C'était le grand jour pour des centaines de couples homosexuels samedi en Angleterre et au Pays de Galles, dont certains se sont dit «oui» quelques secondes seulement après l'entrée en vigueur d'une loi d'égalité historique, adoptée dans le calme.

L'annonce par le gouvernement britannique le 10 décembre dernier que les premiers mariages homosexuels pouvaient être célébrés à partir du 29 mars 2014 a donné le coup d'envoi à une course pour déterminer quel couple allait être le premier à pouvoir se proclamer «mari et mari» ou «épouse et épouse».

Pour mettre toutes les chances de leur côté, plusieurs candidats ont réussi à faire avancer leur cérémonie au milieu de la nuit. Andrew Wale, 49 ans, et Neil Allard, 48 ans, sont ainsi arrivés dès 23h30 vendredi soir au Royal Pavilion de Brighton (sud), splendide résidence du 19e siècle édifiée pour le futur roi George IV.

Après avoir posé dans leur costume trois-pièces assorti pour les nombreux photographes et caméras venus capter cet instant historique, ils étaient officiellement mariés douze minutes après minuit.

«C'était beaucoup plus émouvant que prévu. Bien sûr, on s'est engagés l'un envers l'autre il y a sept ans déjà mais c'est agréable de voir notre union protégée par la loi», a réagi Andrew Wale, alors que des centaines de personnes acclamaient le couple fraîchement marié à la sortie.

Pour autant, Andrew Wale et Neil Allard semblent ne pas avoir été les premiers à profiter de la nouvelle loi, puisqu'au même moment à Londres, plusieurs époux avaient déjà échangé les alliances, à Camden, Islington ou Westminster.

Difficile de savoir qui a vraiment été le premier, mais John Coffey, 52 ans, et Bernardo Marti, 48 ans, sont très bien placés après s'être dit «oui» quelques secondes seulement après les douze coups de minuit, à la Mayfair Library de Londres.

«On était un peu effrayés et nerveux parce qu'il y avait un grand intérêt des médias mais notre amour nous a aidés à tenir jusqu'au bout», a témoigné John Coffey.

Outre ces couples pressées, quelque 500 autres mariages homosexuels étaient prévus ce week-end, selon l'estimation de Benjamin Cohen, directeur du journal Pink News.

«Toutes mes félicitions aux couples gais déjà mariés et mes meilleurs voeux à tous ceux qui sont en passe de le faire en ce jour historique», a écrit le premier ministre David Cameron dans un tweet samedi matin, alors que des drapeaux arc-en-ciel flottent sur les bâtiments ministériels à Londres.

Contrairement à la France où d'immenses manifestations se sont succédé contre le mariage pour tous, le projet de loi britannique, approuvé en juillet 2013 au parlement, n'a suscité quasiment aucun remous dans l'opinion publique.

Si 22% des Britanniques interrogés dans un sondage publié vendredi par la BBC refuseraient une invitation à un mariage gai, ils étaient 68% à approuver la réforme.

Il faut dire que celle-ci a d'abord une portée symbolique puisque les couples homosexuels bénéficient déjà des mêmes droits parentaux que les couples hétérosexuels: ils peuvent adopter, recourir à la procréation médicalement assistée et à une mère porteuse, pourvu qu'elle ne soit pas rémunérée.

Peter McGraith et David Cabreza ont ainsi convolé peu après minuit samedi devant leurs amis mais aussi leurs deux fils adoptifs.

Depuis 2005, les couples homosexuels peuvent aussi s'unir dans le cadre d'un partenariat civil. 6362 partenariats de cette sorte ont été scellés en 2012 et le gouvernement s'attend à un chiffre similaire cette année, sans être en mesure d'anticiper quel sera la part des couples à opter pour le mariage.

Le débat agite désormais l'Église anglicane d'Angleterre, majoritaire dans le pays, qui a exclu mi-février la bénédiction de mariages gais ainsi que la possibilité pour les membres du clergé de se marier avec une personne du même sexe.

Mais l'archevêque de Cantorbéry Justin Welby, chef spirituel des 80 millions d'anglicans dans le monde, a indiqué jeudi que l'Église ne mènerait plus campagne contre le mariage gai et plusieurs vicaires homosexuels ont annoncé leur intention de profiter de la nouvelle loi.

En Écosse, qui bénéficie de pouvoirs décentralisés, le mariage homosexuel devrait devenir légal en automne, mais l'Irlande du Nord demeure profondément divisée sur le sujet, et ne prévoit pas de modifier la loi.

Le mariage homosexuel dans le monde

L'entrée en vigueur samedi en Angleterre et au Pays de Galles de la légalisation du mariage homosexuel approuvée en juillet 2013 au Parlement britannique porte à quinze le nombre de pays où cette union est légale :

- PAYS-BAS : en avril 2001, premier pays à ouvrir le mariage civil aux couples de même sexe avec le droit d'adopter des enfants.

- BELGIQUE : légalisation depuis juin 2003 avec des restrictions sur la filiation mais les couples homosexuels ont obtenu en 2006 le droit d'adopter.

- ESPAGNE : légalisation en juillet 2005 du mariage homosexuel. Les couples homosexuels mariés ou non peuvent adopter.

- CANADA : entrée en vigueur en juillet 2005 d'une loi sur le mariage des homosexuels et le droit d'adopter. La majorité des provinces autorisaient déjà les unions homosexuelles.

- AFRIQUE DU SUD : en novembre 2006, premier pays d'Afrique à légaliser l'union entre deux personnes de même sexe par «mariage» ou «partenariat civil». Ces couples peuvent adopter.

- NORVÈGE : une loi de janvier 2009 met sur un pied d'égalité homosexuels et hétérosexuels, tant pour le mariage et l'adoption que pour bénéficier d'une assistance à la fécondation.

- SUÈDE : depuis mai 2009, les couples homosexuels peuvent se marier civilement ou religieusement. L'adoption pour tous est autorisée depuis 2003.

- PORTUGAL : légalisation en juin 2010 sans mais pas de droit à l'adoption.

- ISLANDE : légalisation entrée en vigueur en juin 2010, adoption autorisée depuis 2006.

- ARGENTINE : en juillet 2010, premier pays à autoriser le mariage homosexuel en Amérique latine. Les couples homosexuels peuvent adopter.

- DANEMARK : depuis juin 2012, les couples homosexuels peuvent se marier à l'Église luthérienne d'État. Le Danemark a été le premier pays au monde à autoriser les unions civiles entre personnes du même sexe, en 1989.

- URUGUAY : en avril 2013, deuxième pays d'Amérique latine à reconnaître le mariage entre personnes de même sexe. Il avait légalisé en 2009 l'adoption par les couples de même sexe.

- NOUVELLE-ZÉLANDE : le mariage homosexuel a été légalisé en avril 2013 - vingt-sept ans après la dépénalisation de l'homosexualité - une première en région Asie-Pacifique.

- FRANCE : une loi autorisant le mariage entre personnes du même sexe et l'adoption est entrée en vigueur en mai 2013.

- ANGLETERRE et PAYS DE GALLES : entrée en vigueur samedi d'une loi adoptée en juillet 2013 sur le mariage homosexuel. Les couples homosexuels avaient déjà les mêmes droits parentaux que les couples hétérosexuels (adoption, procréation médicalement assistée et gestation pour autrui sans rémunération). L'Écosse et l'Irlande du Nord ont leur propre législation sur le sujet.

Par ailleurs, le Brésil a autorisé de facto le 14 mai 2013 les mariages homosexuels avec une décision du Conseil national de la justice obligeant tous les officiers d'état civil à les enregistrer dans l'attente d'une loi au Parlement.

Deux pays autorisent le mariage gai sur une partie de leur territoire : le Mexique dans la capitale fédérale, Mexico, depuis 2009 et les États-Unis dans la capitale, Washington, ainsi que dans 17 États (Californie, Connecticut, Delaware, Hawaii, Illinois, Iowa, Maine, Maryland, Massachusetts, Minnesota, New Hampshire, New Jersey, New York, Nouveau-Mexique, Rhode Island, Vermont et Washington).

Depuis l'abrogation par la Cour suprême américaine en juin 2013 de la loi fédérale stipulant que le mariage est l'union entre «un homme et une femme», des juges fédéraux ont invalidé des lois interdisant le mariage gai dans plusieurs États (Virginie, Utah, Oklahoma, Ohio, Kentucky, Texas) mais ceux-ci peuvent faire appel, ce qu'a décidé l'Utah.