Les islamistes d'Ennahda, au pouvoir en Tunisie, ont adopté dimanche en congrès une motion sur leur engagement «centriste» et «modéré», mais les débats se poursuivaient toujours dans la nuit sur l'avenir du parti, après quatre jours de réunion.

«Cette nuit nous allons annoncer les résultats lors d'une grande fête», a déclaré le chef historique et co-fondateur d'Ennahda, Rached Ghannouchi, très influent sur la scène politique tunisienne bien qu'il n'occupe aucune fonction officielle.

Ce dernier a répété à plusieurs reprises ces derniers jours que Ennahda, inspiré à l'origine des Frères musulmans égyptiens, devait devenir un parti de gouvernement «modéré».

Lors d'une conférence de presse, le président du Congrès et ministre de la Santé, Abdelatif Mekki a confirmé que le millier de délégués réunis au Kram, en banlieue nord de Tunis, avaient adopté un texte confirmant cette orientation.

La motion, qui n'a pas été publiée, «conforte les choix centristes et modérés, le bannissement de l'extrémisme», a assuré le responsable.

Vers minuit heure locale, il a indiqué, sans plus de précisions, que le parti avait adopté une stratégie économique pour la «création d'emplois», alors que le chômage notamment des jeunes était l'un des grands facteurs de la révolution de 2011.

Dans la nuit de dimanche à lundi, les délégués vont encore désigner les instances dirigeantes du parti, en particulier le chef du parti, un poste que devrait conserver, sauf surprise, Rached Ghannouchi.

Des questions restent encore en suspens, en particulier les délégués n'ont pas tranché leur position concernant la nouvelle Constitution du pays, en cours de rédaction à l'Assemblée nationale constituante (ANC).

Ils ont confirmé qu'Ennahda militera pour un régime parlementaire mais sans déterminer encore s'il sera pur ou laissera des prérogatives importantes au chef de l'État comme le réclament les partenaires des islamistes au gouvernement, selon M. Mekki, qui a assuré que la question sera tranchée dans la nuit.

Des débats houleux

Un porte-parole du parti, Nejmedine Hamrouni a reconnu que les débats avaient été houleux, opposant en particulier «les jeunes délégués et les anciennes figures».

Par ailleurs, M. Ghannouchi a indiqué souhaiter élargir la coalition au pouvoir à d'autres formations politiques et a dit vendredi qu'un remaniement ministériel pourrait intervenir après le congrès.

Ennahda veut, par ce premier congrès en Tunisie depuis 1988, déterminer sa position en vue des élections prévues en mars 2013. L'enjeu est de transformer ce mouvement, après des décennies de clandestinité, en parti de gouvernement.

Violemment réprimé sous le président déchu Ben Ali, il s'est imposé après les premières élections post-révolutionnaires d'octobre comme le principal partenaire d'une coalition au pouvoir formée avec deux partis de centre-gauche.

Ennahda s'est fixé pour objectif d'être une formation de consensus mais doit pour cela concilier les modérés et les tenants d'une ligne plus radicale, qui seraient minoritaires.

L'opposition parlementaire accuse pour sa part ce parti de tentations hégémoniques, craignent une islamisation rampante du pays et réclament un gouvernement d'union nationale.

Ennahda est notamment accusé d'avoir manqué de fermeté face à la mouvance salafiste responsable de plusieurs coups d'éclat ces derniers mois.

Le Congrès pour la République (CPR) du président Moncef Marzouki et Ettakatol, les deux partis du centre-gauche alliés à Ennahda, jugent pour leur part que le parti islamiste avait intégré les principes républicains.

Ainsi, Ennahda a renoncé à faire inscrire expressément la charia --la loi coranique-- dans la Constitution.