Le parti islamiste Ennahdha, donné vainqueur de l'élection de dimanche en Tunisie, veut former le gouvernement d'ici un mois, présentant pour le poste de premier ministre la candidature de son numéro 2, Hamadi Jebali.

«Il est tout à fait naturel que le parti qui a obtenu la majorité dirige le gouvernement», a déclaré mercredi le dirigeant d'Ennahdha Rached Ghannouchi, sur la radio Express FM, tout en plaçant «l'identité arabe» du pays au centre des débats à venir.

«Le gouvernement doit être composé le plus tôt possible, dans un délai qui n'excède pas un mois», a-t-il ajouté, alors que les résultats définitifs de l'élection n'ont pas encore été publiés.

«Dans le cadre de nos discussions avec les partis concernés, Ennahdha a informé ses partenaires de son intention de présenter la candidature de Hamadi Jebali au poste de Premier ministre», a déclaré Nourredine Bhiri, membre de l'exécutif d'Ennahdha.

M. Jebali, 62 ans, est l'un des co-fondateurs d'Ennahdha. Originaire de Sousse (centre-est), cet ingénieur de formation et ancien journaliste est un interlocuteur privilégié des chancelleries occidentales.

Opposant de longue date à l'ex-président Zine El Abidine Ben Ali, il a passé 16 ans en prison, dont 10 à l'isolement, sous l'ancien régime, et représente le visage modéré du parti islamiste.

Sur Express FM, M. Ghannouchi a insisté pour mettre en avant l'identité arabe de la Tunisie, «une affaire nationale qui concerne tout le monde, pas un seul parti».

«Notre langue, c'est la langue arabe. On est devenus franco-arabe, c'est de la pollution linguistique», a-t-il déploré, alors que le parler dialectal tunisien mélange le français et l'arabe, le français étant encore largement pratiqué depuis l'indépendance en 1956.

«Il faut un dialogue national sur l'éducation», a poursuivi M. Ghannouchi, dont le parti a déjà fait comprendre qu'il voulait ce ministère dans le futur gouvernement.

«Les lignes rouges, c'est encore une fois les libertés publiques, les droits de l'homme, les droits de la femme, de l'enfant et sur ça on ne pactisera jamais, jamais», a déclaré Moncef Marzouki, leader du parti de gauche nationaliste Congrès pour la République (CPR).

De son côté, la coalition de gauche du Pôle démocratique moderniste (PDM) a assuré qu'elle resterait «vigilante». «Le peuple n'a pas donné un chèque en blanc à Ennahdha», a souligné Jouneidi Abdeljawad, un des responsables d'Ettajdid, principale force du PDM.

la commission électorale (Isie) a confirmé mercredi l'avance d'Ennahdha  après les résultats de 14 des 27 circonscriptions du pays dépouillées.

Ennahdha a remporté 44 sièges dans ces circonscriptions, selon un décompte de l'AFP à partir des résultats de l'Isie. Si l'on y ajoute les résultats du vote à l'étranger, le parti islamiste totalise pour le moment 53 des 217 sièges de l'Assemblée constituante.

Il devance le Congrès pour la République (CPR, gauche nationaliste) qui recueille en tout 18 sièges, dont 4 à l'étranger.

La Constituante élue dimanche par les Tunisiens, qui votaient pour la première fois depuis la chute de Ben Ali, devra prioritairement désigner un nouveau président de la République, qui lui-même formera un exécutif jusqu'aux prochaines élections générales.

«Nous sommes pour une grande alliance nationale qui aboutira à un gouvernement démocratique», a souligné M. Ghannouchi.

Quant au prochain président de la République, M. Ghannouchi, qui a déjà déclaré qu'il ne serait pas candidat, a estimé que ce poste devrait être occupé par «une personnalité qui a milité contre la dictature».

Le chef de la diplomatie française Alain Juppé a déclaré mercredi que l'aide de la France à la Tunisie serait conditionné au respect de la démocratie.

«Nous allons mettre en place une aide économique massive à la Tunisie», a-t-il dit, rappelant que le G8 s'y était engagé fin mai à Deauville, mais, a-t-il averti, «cette aide, nous l'apporterons dans la mesure où les lignes rouges ne seront pas franchies».