Pour la première fois en quatre ans d'un conflit sanglant, un mince espoir de paix se profile enfin en Syrie. Un plan de paix présenté cette semaine par les Nations unies a reçu l'appui de l'Iran, jeudi, faisant miroiter un «grand réalignement stratégique» autour du conflit syrien, estime un analyste. Mais le chemin sera long. Explications en quatre temps.

À bout de souffle

La violente guerre que se livrent depuis 2011 le régime du président Bachar al-Assad et l'opposition armée a épuisé les deux camps. «Les choses ont changé sur le terrain», constate Jocelyn Coulon, directeur du Réseau de recherche sur les opérations de paix (ROP) de l'Université de Montréal, soulignant que la Russie a entrepris l'évacuation de son personnel en Syrie, «ce qui est toujours un signe que les choses ne vont pas très bien pour le gouvernement en place». À bout de souffle, les parties devront se résoudre à négocier, d'autant que la Russie et l'Iran semblent désormais «parfaitement prêts» à «sacrifier Assad», affirme le professeur Thomas Juneau, de l'Université d'Ottawa.

Éviter de répéter l'erreur irakienne

La communauté internationale tient néanmoins à ce qu'un éventuel accord de paix mène à la création d'un gouvernement d'union nationale qui inclurait «des éléments du régime Assad», afin de maintenir une certaine stabilité et d'éviter le «démantèlement complet des institutions» comme ce fut le cas en Irak, explique Thomas Juneau. «On a parfois tendance à croire que ça ne peut pas être pire en Syrie, mais oui, ça peut être pire! S'il n'y a plus d'État central, ça rend l'implantation d'un accord de paix encore plus difficile.» Jocelyn Coulon abonde dans le même sens: «L'Irak a montré que si on ne se préparait pas, c'était la débâcle.»

«Grand réalignement stratégique»

Ce plan de paix a reçu l'appui unanime du Conseil de sécurité des Nations unies, qui était jusque-là divisé en raison de l'appui de la Russie au président Bachar al-Assad. L'Iran, puissant allié régional du gouvernement syrien, a aussi salué l'initiative, ce qui ne serait pas étranger au récent accord sur le nucléaire conclu entre Téhéran et Washington, analyse Jocelyn Coulon. Parlant d'un «grand réalignement stratégique au Proche-Orient», il estime que l'entente pourrait entraîner la «responsabilisation» de l'Iran, qui serait désormais tenté de «faire partie de la solution». En contrepartie, il se demande «jusqu'où les Saoudiens, qui sont en conflit permanent avec les Iraniens, sont prêts à accepter que l'Iran joue ce rôle d'influence régionale».

Long processus

Peu de détails ont filtré quant au plan de paix présenté lundi par les Nations unies, si ce n'est qu'il prévoit que des «groupes de travail» entameront dès septembre des discussions séparées autour de quatre thèmes: sécurité et protection; questions politiques et juridiques; actions militaires et antiterroristes; enfin, services publics, reconstruction et développement. Thomas Juneau reconnaît qu'il s'agit d'une avancée, mais n'y voit «aucune raison de croire qu'il y aura un accord à court ou à moyen terme», car une telle solution «se mesure en années, pas en mois». De plus, à moins d'un cessez-le-feu préalable aux discussions, Jocelyn Coulon craint «un redoublement des violences», phénomène courant quand «les parties sur le terrain veulent acquérir un maximum de positions» avant de baisser les armes.