Mohamed Morsi est officiellement devenu samedi le premier président islamiste et civil d'Égypte, succédant à Hosni Moubarak renversé début 2011 par une révolte populaire sans précédent.

Mais même après son investiture, M. Morsi devra composer avec le Conseil suprême des forces armées (CSFA), à qui M. Moubarak avait remis le pouvoir en démissionnant sous la pression de la rue, et qui a conservé de vastes prérogatives.

«Je jure par Dieu tout-puissant de préserver le système républicain, de respecter la Constitution et la loi, de protéger entièrement les intérêts du peuple et de préserver l'indépendance de la nation et la sûreté de son territoire», a déclaré M. Morsi devant la Haute Cour constitutionnelle.

«Aujourd'hui, le peuple égyptien a posé les bases d'une vie nouvelle, d'une liberté totale, d'une vraie démocratie», a-t-il ajouté.

Un peu plus tard, à l'Université du Caire où il a célébré son investiture, M. Morsi s'est de nouveau engagé à être le président de tous les Égyptiens, musulmans comme chrétiens, et à garantir «liberté, justice et dignité humaine» à la population.

«Nous travaillerons ensemble à encourager l'investissement et à ramener le tourisme», a-t-il aussi promis.

Le nouveau président, dont les prérogatives ont été limitées par une «Déclaration constitutionnelle complémentaire» adoptée il y a deux semaines par l'armée, a salué le CSFA pour «avoir tenu sa promesse (..) de ne pas être une alternative à la volonté populaire».

Mais dorénavant, «les institutions élues vont reprendre leur rôle et la grande armée égyptienne reviendra à sa mission de protection de la sécurité et des frontières du pays», a-t-il ajouté devant des centaines de personnes, dont le maréchal Hussein Tantaoui, chef du CSFA et ministre de la Défense de M. Moubarak pendant 20 ans.

M. Morsi a aussi déclaré que l'Égypte soutenait les «droits légitimes» des Palestiniens et voulait l'arrêt de «l'effusion de sang» en Syrie.

L'arrivée au pouvoir de M. Morsi marque un tournant dans l'histoire des Frères musulmans, fondés en 1928, officiellement interdits en 1954 puis relativement tolérés sous Moubarak, dont ils étaient la bête noire. M. Morsi lui-même avait été emprisonné sous l'ancien président.

Droit de veto

Mais la cohabitation s'annonce délicate avec le Conseil militaire, qui a récupéré le pouvoir législatif après la dissolution mi-juin, sur décision judiciaire, de la chambre des députés dominée par les islamistes.

La procédure d'investiture avait d'ailleurs fait l'objet d'un bras de fer entre les militaires et les Frères musulmans, les premiers estimant que M. Morsi devait être investi devant la Cour constitutionnelle, les seconds insistant pour qu'il le soit devant le Parlement, selon eux toujours légitime.

Le président a finalement cédé, non sans avoir défié l'armée vendredi en prêtant symboliquement serment devant des dizaines de milliers de personnes rassemblées au Caire sur l'emblématique place Tahrir, «la place de la liberté et de la révolution» selon ses propres termes.

«Vous êtes la source du pouvoir et de la légitimité, qui est au-dessus de tout le monde. Il n'y a de place pour personne, pour aucune institution (...), au-dessus de cette volonté», avait-il lancé sous les vivats de la foule.

Avec le pouvoir législatif, les généraux gardent un droit de veto sur toute nouvelle loi ou mesure budgétaire qui n'aurait pas leur agrément et se réservent aussi droit de regard sur la rédaction de la future Constitution, pierre angulaire du partage des pouvoirs à l'avenir.

Le nouveau président devra en effet gouverner alors que l'Égypte n'a toujours pas de Constitution, celle en vigueur sous M. Moubarak ayant été suspendue et la rédaction de la nouvelle ayant pris du retard.

Outre la tension politique, M. Morsi devra faire face à une situation économique difficile, même si sa victoire a été saluée par un bond record de la Bourse du Caire après des semaines d'incertitudes.

Dès l'annonce officielle de sa victoire, il s'est attelé à la formation d'un «gouvernement de coalition» destiné à donner des gages d'ouverture et à élargir son assise politique face aux militaires, laissant entendre que son premier ministre pourrait être une personnalité «indépendante».

M. Morsi a été élu les 16 et 17 juin par 51,73 % des voix au second tour de la présidentielle, qui l'opposait à Ahmad Chafiq, le dernier Premier ministre de M. Moubarak.