Les rebelles ont perdu le tiers d'Alep-Est, leur principal bastion, face aux forces du régime syrien qui espère faire rapidement tomber cette partie de la ville que fuit la population en proie à la faim et au froid.

La chute totale, si elle se produisait, de la partie orientale de la grande cité du nord de la Syrie infligerait aux différents groupes d'insurgés leur pire défaite depuis le début du conflit syrien en 2011.

Des milliers de civils tentaient d'échapper aux bombardements dévastateurs et aux combats de rue après avoir résisté au siège imposé depuis juillet au secteur rebelle par le régime de Damas qui est soutenu par son puissant allié russe.

«Ce sont les pires journées depuis le début du siège. La situation est catastrophique. Il y a un exode massif et le moral est au plus bas», a témoigné Ibrahim Abou Laith, porte-parole des Casques blancs, le service des secouristes dans la partie d'Alep aux mains de l'opposition.

«Il n'y a ni nourriture, ni eau, ni abri, ni moyens de transport (...) les gens dorment dans la rue», a-t-il encore dit à l'AFP, la voix brisée. «Ma souffrance est indescriptible (...) Jusqu'à quand le monde sera-t-il contre nous?», s'est-il exclamé, dénonçant le silence international.

Lutte déséquilibrée

Lundi, l'ONU s'est à nouveau dite «extrêmement inquiète» pour les plus de 250 000 civils pris au piège qui vivent «dans des conditions horribles».

«Nous demandons instamment à tous les belligérants de cesser leurs bombardements aveugles (...) et de laisser entrer l'assistance humanitaire d'urgence comme l'exige le droit international humanitaire», a déclaré son porte-parole Stéphane Dujarric.

Des milliers de personnes ont fui les quartiers rebelles et se sont rendues, souvent sans bagages, en zone gouvernementale. D'autres familles se sont réfugiées dans des quartiers encore contrôlés par les insurgés où des habitants leur ont donné des couvertures pour affronter le froid de la nuit, a constaté un correspondant de l'AFP.

Les troupes de Bachar al-Assad se sont emparées en totalité lundi du nord-est d'Alep, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Au moins six civils ont été tués dans ce secteur ce même jour.

En perdant un tiers d'Alep-Est, les rebelles essuient «leur plus grand revers depuis 2012», a commenté Rami Abdel Rahmane, le directeur de l'OSDH.

Après avoir mis en échec plusieurs offensives du régime pendant un an, ils sont cette fois-ci submergés par la vaste opération terrestre et aérienne déclenchée le 15 novembre par l'armée avec le soutien de combattants étrangers aguerris.

La lutte est devenue trop déséquilibrée car «nous affrontons l'Iran et la Russie (...) des milices venues du monde entier», a déploré Yasser al-Youssef, un responsable du groupe de rebelles Noureddine al-Zinki, un des principaux d'Alep.

La reconquête de cette ville par le régime «serait un tournant» dans la guerre qui dévaste la Syrie depuis cinq ans et demi, souligne Fabrice Balanche, expert de la Syrie au Washington Institute. Car elle montrerait, selon lui, que «l'opposition est incapable d'avoir un succès majeur sur le plan militaire» et de se poser comme «choix alternatif» face à Damas.

La chute d'Alep-Est constituerait en outre une défaite pour les alliés de l'opposition, notamment de l'Arabie saoudite, du Qatar et de la Turquie, ainsi que des pays occidentaux.

Elle renforcerait en revanche les soutiens de Damas, au premier rang desquels la Russie, qui a fortement contribué à faire reculer les rebelles depuis le début de son intervention en septembre 2015.

La communauté internationale a gardé ces derniers jours le silence sur l'intensification des bombardements mais lundi, le ministre britannique des Affaires étrangères Boris Johnson a réclamé un «cessez-le feu-immédiat» à Alep.

Plus d'essence 

Les Casques blancs ont prévenu lundi que leurs réserves d'essence étaient épuisées, rendant impossible leur déplacement en voiture pour secourir les civils après les bombardements.

Dans un communiqué lu devant une caméra, des secouristes ont appelé «toutes les organisations humanitaires, médicales et d'aide à intervenir immédiatement pour mettre fin au désastre humanitaire».

Les combats des derniers jours ont provoqué ce week-end la fuite de près de 10 000 civils, dont 6000 vers la petite enclave de Cheikh Maqsoud contrôlée par les forces kurdes, et le reste vers les zones gouvernementales, selon l'OSDH.

«C'est le premier exode de ce genre à Alep-Est» en plus de quatre ans, a relevé Rami Abdel Rahmane.

Les habitants d'Alep-Est vivent dans des conditions extrêmement difficiles. Ils manquent de vivres et de médicaments, en raison du siège imposé depuis quatre mois et des bombardements incessants.

L'offensive déclenchée le 15 novembre a fait au moins 247 morts parmi les civils, dont 32 enfants, à Alep-Est, selon un bilan établi par l'OSDH après la mort lundi de 18 personnes. Les rebelles ont parallèlement tué au moins 40 civils, parmi lesquels 18 enfants, en tirant sur les zones gouvernementales d'Alep-Ouest (12 sont morts lundi dans des tirs de roquettes).

La progression des forces du régime s'est accélérée avec la prise samedi du quartier de Massaken Hanano, le plus grand d'Alep-Est.

L'armée s'est ainsi ouverte une voie pour prendre le contrôle lundi des quartiers de Sakhour, d'Haydariyé et de Cheikh Khodr, lui permettant de couper Alep-Est en deux, selon l'OSDH et les médias officiels syriens.