La France, les États-Unis et d'autres pays membres du Conseil de sécurité de l'ONU ont rejeté vendredi un projet de résolution russe visant à faire cesser les opérations militaires de la Turquie en Syrie, selon des diplomates.

Parallèlement, des responsables russes et américains ont discuté à Genève d'un improbable cessez-le-feu en Syrie, qui aurait dû intervenir cette semaine mais que les belligérants ont ignoré.

Alors que le conflit va entrer dans sa sixième année, les espoirs de paix apparaissent plus minces que jamais, comme l'a reconnu l'émissaire de l'ONU, Staffan de Mistura.

La Russie, alliée du régime syrien, avait convoqué des consultations d'urgence au Conseil pour soumettre un texte demandant à Ankara de cesser ses tirs sur les milices kurdes dans le nord de la Turquie et d'abandonner ses projets d'offensive terrestre en Syrie.

Barack Obama a appelé Ankara et les milices YPG (les Unités de protection du peuple, bras armé de la principale formation kurde en Syrie, ndlr) à « faire preuve de retenue réciproque » lors d'une conversation téléphonique avec son homologue turc Recep Tayyip Erdogan vendredi.

Selon des diplomates, la France et quatre autres pays au moins (États-Unis, Royaume-Uni, Nouvelle-Zélande, Espagne) parmi les 15 membres du Conseil ont rejeté d'emblée le texte proposé par Moscou, qui n'a quasiment aucune chance d'être adopté en l'état.

Devant cette levée de boucliers, l'ambassadeur adjoint russe Vladimir Safrankov a indiqué que la Russie était « prête à négocier » et a demandé à ses partenaires de lui proposer des amendements.

L'ambassadeur français François Delattre a accusé Moscou de provoquer une « dangereuse escalade » en soutenant le régime syrien dans son offensive sur Alep (nord), tandis que son homologue américaine Samantha Power accusait Moscou d'avoir « cherché à faire diversion ».

Le président français François Hollande a lui estimé qu'il existait un « risque de guerre » entre la Turquie et la Russie.

« Droit de se défendre »

L'ambassadeur turc Yasar Halit Cevik a tenu à préciser à la presse que la Turquie « n'entrerait en Syrie avec des troupes terrestres que dans le cadre d'une action collective » menée par la coalition internationale ou sous couvert d'un résolution du Conseil. Il a cependant affirmé « le droit (d'Ankara) de se défendre ».

La Turquie a étendu ses bombardements à plusieurs secteurs de la province d'Alep contrôlés par les forces kurdes syriennes, qu'elle accuse d'être derrière un attentat meurtrier à Ankara mercredi.

« Il s'agit des plus violents bombardements » depuis le début le 13 février des frappes turques contre les Kurdes dans cette région, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Recep Tayyip Erdogan a affirmé, en parlant de l'attentat, n'avoir « aucun doute » sur la responsabilité du Parti de l'union démocratique (PYD), la principale formation kurde syrienne et ses milices YPG, deux groupes qualifiés de « terroristes » par Ankara.

L'attentat a cependant été revendiqué par un autre groupe, proche des rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

Les YPG et le PYD, qui contrôlent les trois quarts de la frontière syro-turque, ont l'appui de Washington car elles sont à la pointe du combat contre le groupe jihadiste État islamique (EI) qui contrôle de vastes territoires en Syrie.

Les Forces démocratiques syriennes (FDS), alliance dominée par les YPG, se sont d'ailleurs emparées vendredi de Chaddadé, un bastion de l'EI dans le nord-est syrien, mettant aussi la main sur un champ pétrolier à proximité, grâce aux frappes de l'aviation de la coalition, selon l'OSDH.

Consultations à Genève

Pour tenter de faire taire les armes conformément à l'appel lancé le 12 février par le Groupe international de soutien à la Syrie (ISSG), des diplomates et responsables militaires russes et américains étaient réunis vendredi à Genève.

Ces « consultations intenses » visent à aboutir à un « cessez-le-feu » et à « lutter contre notre ennemi commun, les terroristes du Front Al-Nosra (branche syrienne d'Al-Qaïda) et de l'État islamique », a déclaré le vice-ministre russe des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov.

Le secrétaire d'État américain John Kerry a aussi admis qu'il restait « encore beaucoup de travail » avant d'instaurer une trêve en Syrie.

Quant aux négociations entre le régime et l'opposition sous l'égide de l'ONU, suspendue le 3 février, elles sont au point mort.

« Je ne peux pas de façon réaliste convoquer de nouvelles discussions à Genève le 25 février, mais nous avons l'intention de le faire bientôt », a déclaré le médiateur Staffan de Mistura au quotidien suédois Svenska Dagbladet.

Les forces gouvernementales syriennes, appuyées par l'aviation russe, ont lancé début février une offensive d'envergure qui leur a permis de reprendre des territoires au nord d'Alep, mais qui a provoqué un exode massif.

L'Arabie saoudite a prôné la fourniture de missiles sol-air aux rebelles syriens, tout en précisant qu'une telle décision appartient « à la coalition internationale », dans un entretien au Spiegel à paraître samedi.