Ankara a haussé le ton lundi à l'égard de la Syrie, estimant que le président Bachar al-Assad, dont le régime est la cible depuis plus de huit mois d'une révolte sans précédent, ne pouvait continuer à rester au pouvoir avec «des chars et des canons».

Douze Syriens ont été tués lundi par des tirs des forces de sécurité lors de perquisitions dans les province de Homs et de Hama (centre), selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). En outre, les dépouilles de trois détenus morts sous la torture ont été rendus à leur famille, selon la même source.

L'agence officielle syrienne Sana a pour sa part annoncé la mort de «quatre terroristes, dont ont l'une des personnes les plus recherchées, Khaled al-Rajeh, surnommé Badar», ainsi que le «rapt» de deux juges à Hama et d'un ambulancier et de son passager blessés par des «terroristes armés».

Dans le même temps, des bus de pèlerins turcs ont essuyé des tirs dans la nuit de dimanche à lundi. Selon les chaînes privées CNN-Türk et NTV, ils se sont égarés près de Homs avant d'être arrêtés par des soldats syriens qui ont tiré des coups de feu.

L'agence semi-officielle turque Anatolie a évoqué de son côté un groupe armé. Contacté par l'AFP, le ministère turc des Affaires étrangères a confirmé «une attaque en territoire syrien», sans plus de détails.

De nombreux pèlerins turcs empruntent la voie routière via la Syrie pour rentrer en Turquie après avoir effectué le rituel du pèlerinage à La Mecque.

Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a estimé lundi que les jours du président Assad étaient comptés, soulignant que l'on ne pouvait rester au pouvoir «avec des chars et des canons».

«Le jour viendra où tu partiras aussi», a lancé M. Erdogan lors d'un forum international à Istanbul à l'adresse du chef de l'Etat syrien.

De son côté, le président turc Abdullah Gül a jugé que le régime de Damas était désormais dans une «impasse», dans un entretien au quotidien britannique The Guardian.

«La Syrie est à présent dans une impasse, des changements sont inévitables», selon M. Gül, mais, a-t-il souligné, «nous ne croyons pas qu'une intervention extérieure soit le bon moyen d'introduire un changement. C'est le peuple qui doit être l'auteur de ce changement».

L'Arabie saoudite a elle pressé Damas de se conformer «pleinement» au plan de sortie de crise, élaboré par la Ligue arabe et officiellement accepté début novembre par Damas.

Le conseil des ministres saoudiens a appelé Damas à «tenir pleinement les engagements pris» vis-à-vis du plan, qui prévoit en premier lieu l'arrêt des violences, en soulignant «l'importance d'assurer la protection des civils syriens et d'arrêter les tueries et les actes de violence».

La Ligue arabe, qui a suspendu la participation de la Syrie, avait donné à Damas jusqu'à samedi soir pour cesser la répression, sous peine de sanctions économiques.

Malgré la pression internationale qui s'accentue, le régime syrien apparaît déterminé à se maintenir en place coûte que coûte. Le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Mouallem, a prévenu dimanche soir que son pays était prêt à se battre.

Le régime de Damas est confronté depuis la mi-mars à une contestation sans précédent qui tend désormais à dégénérer en conflit armé, avec la multiplication des affrontements entre déserteurs et soldats de l'armée régulière.

Pour autant, Walid Mouallem a rejeté les craintes de «guerre civile» exprimées par les Etats-Unis et la Turquie.

Vendredi, la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton avait dit «penser qu'il pourrait y avoir une guerre civile, avec une opposition très déterminée, bien armée et finalement bien financée», tandis que M. Davutoglu avait déclaré à l'AFP qu'il y avait «un risque d'évolution vers la guerre civile».

«Si on lit bien les propos de Mme Clinton et M. Davutoglu, on voit qu'ils sont en train de pousser dans ce sens», a dénoncé M. Mouallem.

Le mouvement armé chiite Hezbollah et son allié chiite Amal ont affirmé lundi que le Liban continuerait à soutenir l'Iran et la Syrie contre les «conspirations internationales» et les «menaces», au moment où la pression internationale s'accroît sur ces deux pays.

«Les événements en Syrie sont clairement une conspiration internationale contre le soutien de la Syrie aux mouvements de résistance arabes et islamiques dans la région», affirment-ils dans un communiqué.

A Londres, le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague, a reçu pour la première fois des opposants syriens, une initiative visant selon lui à accentuer la pression sur le régime de M. Assad sans pour autant constituer une «reconnaissance formelle».

Le ministre irakien des Affaires étrangères, Hoshyar Zebari, en visite à Doha, a écarté lundi une intervention étrangère en Syrie et mis en garde contre le risque d'une guerre civile qui aurait «un impact sur la région».

La France, l'Allemagne et le Royaume-Uni comptent présenter une résolution à l'Assemblée générale de l'ONU condamnant la répression, assurant avoir le soutien clé des pays arabes. Un vote devrait intervenir mardi, deux jours avant une nouvelle réunion de la Ligue arabe.

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a estimé pour sa part lundi que la position de certains pays occidentaux appelant l'opposition syrienne à ne pas dialoguer avec le régime du président Assad s'apparentait à de la «provocation».