Les forces loyales au gouvernement yéménite, appuyées par les Émiratis et les Saoudiens, ont lancé mercredi leur offensive sur le port stratégique de Hodeida contrôlé par les rebelles Houthis, l'émissaire de l'ONU se disant «extrêmement inquiet» pour la population et appelant à la retenue.

Le grand port de Hodeida, sur la mer Rouge, constitue un enjeu stratégique d'une guerre qui dure depuis plus de trois ans: il est le point d'entrée d'une bonne partie des importations et de l'aide humanitaire au Yémen.

«Je suis extrêmement préoccupé par les développements militaires à Hodeida», a déclaré l'émissaire de l'ONU pour le Yémen, Martin Griffiths, dans un communiqué.

«Nous sommes en contact permanent avec toutes les parties impliquées pour négocier des arrangements pour Hodeida qui répondraient aux préoccupations politiques, humanitaires et de sécurité de toutes les parties concernées», a-t-il souligné, en appelant à «la retenue et à donner une chance à la paix».

Dans un pays à la population exsangue, une quinzaine d'ONG internationales ont également exprimé leur vive inquiétude face à cet assaut sur une cité de 600 000 habitants.

Elles ont adressé une lettre au président français Emmanuel Macron l'exhortant à faire pression sur Riyad et Abou Dhabi, et jugeant «inconcevable» de maintenir la conférence humanitaire sur le Yémen prévue fin juin à Paris.

«La France rappelle que seule une solution politique négociée, y compris à Hodeïda, permettra de mettre fin de manière durable à la guerre au Yémen et d'arrêter la dégradation de la situation sécuritaire et humanitaire dans ce pays», selon un communiqué du ministère français des Affaires étrangères.

Amnesty International a estimé qu'une opération militaire menacerait les civils et les opérations humanitaires au Yémen, tandis que le Comité international pour la Croix-Rouge (CICR) a affirmé qu'elle ne ferait qu»'exacerber la situation humanitaire catastrophique» dans le pays.

«Sécurité maritime»

Save the Children s'est inquiétée en particulier, tout comme l'Unicef, pour le sort de quelque 300 000 enfants qui se trouveraient dans la ville.

Au terme d'un ultimatum ayant expiré mardi soir, l'offensive a débuté mercredi à 5h15, après avoir reçu le «feu vert» de la coalition, ont indiqué à la mi-journée à l'AFP des responsables des forces pro-gouvernementales ayant requis l'anonymat.

Les troupes progressent en direction de l'aéroport, situé au sud de Hodeida, d'après les mêmes sources, présentes sur le terrain à Al-Jah, à 30 km environ au sud-est de la ville.

Dix-huit raids aériens ont été menés contre des positions des Houthis au cours des heures précédentes pour préparer l'offensive, ont-elles ajouté.

La chaîne Al-Massirah, contrôlée par les rebelles, avait rapporté des raids aériens en matinée «sur des fermes» en périphérie de Hodeida.

Selon des sources médicales, 22 combattants rebelles et trois soldats  progouvernementaux ont été tués ces dernières 24 heures.

«La libération de Hodeida est vitale à la lumière de la menace croissante que les miliciens Houthis, soutenus par l'Iran, font peser sur la sécurité maritime en mer Rouge, par où passent environ 15% du commerce international», a argué sur twitter l'ambassadeur saoudien à Washington, Khaled ben Salmane, un des fils du roi.

Les Émirats arabes unis, qui apportent un soutien essentiel au sol à des forces yéménites hétéroclites, avaient donné jusqu'à mardi soir à l'ONU pour trouver une solution et contraindre les Houthis à abandonner Hodeida sans combattre.

Alors que cet ultimatum expirait, Anwar Gargash, ministre d'État émirati aux Affaires étrangères, a affirmé dans une série de tweets tard mardi soir que les Houthis ne pouvaient plus «tenir Hodeida en otage pour financer leur guerre» et «détourner» l'aide humanitaire internationale.

Annuler la conférence de Paris

«La libération de la ville et du port créera une nouvelle réalité et amènera les Houthis aux négociations», a-t-il assuré en promettant que «les Emirats arabes unis et la coalition continueront à accélérer le flot d'aide humanitaire».

Mardi soir, l'homme fort des Emirats, Mohammed ben Zayed Al-Nahyane, a reçu à Abou Dhabi le président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi, qui vit en exil à Riyad.

Plus tôt, le président français Emmanuel Macron avait appelé à la «retenue» et à la «protection des populations civiles», lors d'un échange téléphonique avec Mohammed ben Zayed.

Cet entretien s'est déroulé notamment «dans la perspective de l'organisation à Paris fin juin d'une conférence humanitaire» sur le Yémen, a ajouté l'Élysée.

À la lumière des derniers évènements à Hodeida, une coalition de 14 ONG a pour sa part demandé l'annulation de cette conférence co-présidée par Ryad.

L'ONU a retiré son personnel international de Hodeida lundi et, mardi, la représentante de l'UNICEF, Meritxell Relano, a indiqué que son agence avait «prépositionné» dans la ville plus de 20 000 trousses d'hygiène.

Les forces anti-rebelles n'ont remporté aucune victoire majeure depuis la reprise de cinq provinces du sud et de la ville d'Aden mi-2015 grâce à l'intervention de la coalition commandée par l'Arabie saoudite.

Les rebelles Houthis, originaires du nord du pays, contrôlent toujours la capitale Sanaa.

Depuis 2015, la guerre au Yémen a fait près de 10 000 morts, plus de 55 000 blessés et provoqué «la pire crise humanitaire du monde», selon l'ONU.