Il ne tolère pas la musique et abhorre les combattants dont la barbe n'est pas assez longue. À 28 ans, Omar al-Chichani est devenu le principal chef militaire de l'État islamique (EI), groupe djihadiste ultraviolent qui contrôle le nord de l'Irak et une partie de la Syrie. Un «chef naturel», explique à La Presse Raffaello Pantucci, chercheur senior au Royal United Services Institute de Londres.

Q: Omar al-Chichani, 28 ans, est décrit comme le chef militaire de l'État islamique (anciennement l'État islamique en Irak et au Levant-EIIL), qui veut créer un califat islamique allant de l'Europe jusqu'aux portes de l'Asie. Comment s'est-il vu confier un rôle aussi élevé à un jeune âge?

R: Omar al-Chichani est tchétchène et il a pris du galon en partie à cause de la perception voulant que les Tchétchènes soient des guerriers très braves. En particulier, son passé militaire solide dans l'armée de Géorgie dans la guerre contre la Russie en 2008 a fait de lui un chef combattant crédible aux yeux des djihadistes. Vue sous cet angle, son ascension n'est pas très surprenante. Ce qui est intéressant, c'est qu'on lui ait confié un rôle si important dans l'EI et pas seulement un rôle régional. Par la même occasion, son rôle majeur fait de lui une figure emblématique pour l'organisation, qui est très soucieuse de son image dans les médias et sur les réseaux sociaux. Al-Chichani est une sorte de chef naturel et sert aussi à montrer que le groupe est international et non seulement irakien ou syrien.

Q: Pourquoi les Tchétchènes ont-ils la réputation d'être si brutaux?

R: Cela s'explique en partie par le fait qu'ils se battent depuis très longtemps pour le djihad, et le fait qu'ils se battent contre les Russes, eux-mêmes considérés comme ayant des méthodes très brutales. Être capable de se battre contre eux, de se mesurer à eux, signale au monde entier qu'ils sont des durs à cuire. Aussi, c'était lors de la lutte tchétchène qu'on a commencé à voir des vidéos de gens se faisant décapiter à la caméra. Cela a contribué à façonner leur image brutale, même s'ils n'avaient sans doute pas besoin de cela pour avoir une réputation auprès des djihadistes de différents pays.

Q: L'organisation de l'État islamique fait des avancées importantes sur le terrain en Irak et en Syrie, où Omar al-Chichani se moque des rebelles moins fondamentalistes qui «écoutent de la musique» et «ne portent pas la barbe assez longue»... Faut-il prendre l'EI au sérieux, ou bien leur a-t-on accordé trop d'attention dernièrement?

R: Je crois que l'EI et al-Chichani vivent leurs heures de gloire et leurs avancées sont réelles. Dans les villes qu'ils contrôlent, ils imposent leur interprétation stricte de la loi islamique: les femmes doivent être voilées, les voleurs se font couper un membre, ou bien sont crucifiés ou tués. Et il ne faut pas oublier que le groupe a des liens avec l'Europe et l'Amérique du Nord, car plusieurs combattants étrangers sont dans ses rangs. L'histoire nous a montré que les organisations qui avançaient ce type d'idéologie, avec des combattants étrangers, produisent des menaces terroristes chez nous.

Cela dit, j'ai des doutes sur l'aptitude de l'EI à étendre son emprise à la Syrie au complet, à l'Irak au complet ou à conquérir les territoires qu'il convoite pour y établir un califat. Ce n'est pas clair que les sunnites d'Irak veulent d'un tel projet à long terme et ce n'est pas clair que l'EI peut faire d'autres percées importantes en territoire syrien.

Omar al-Chichani en cinq dates

> 1986: Naissance à Birkiani, Union soviétique (aujourd'hui la Géorgie).

> 2008: Sergent dans une unité spéciale envoyée sur la ligne de front dans la guerre opposant la Géorgie à la Russie.

> 2010: Atteint de tuberculose, il est rejeté de l'armée et n'arrive pas à trouver du travail comme policier.

> 2012: Après un séjour de 16 mois en prison pour possession illégale d'armes, il dit avoir trouvé la foi et part se battre en Syrie.

> 2013: Prête allégeance à l'État islamique, où il gravit rapidement les échelons et devient chef des opérations militaires.



* Véritable nom:
Tarkhan Batirashvili

* (En arabe, Omar al-Chichani signifie «Omar le Tchétchène»)

Abou Bakr al-Baghdadi sort de l'ombre

Alors qu'Omar al-Chichani apparaît souvent dans les vidéos de l'État islamique (EI), son patron, le chef Abou Bakr al-Baghdadi, restait dans l'ombre. Cela a changé, vendredi dernier, quand al-Baghdadi a été filmé dans une mosquée de Mossoul, dans le nord de l'Irak, une ville contrôlée par l'EI. Durant la cérémonie, l'EI a donné le titre de calife à al-Baghdadi. Les États-Unis offrent une prime de 10 millions de dollars pour sa capture.