La France a rendu hommage dimanche, lors de cérémonies d'une grande sobriété, aux 130 victimes des attaques djihadistes qui ont endeuillé Paris il y a exactement un an et fait plonger le pays dans une nouvelle ère.

Au lendemain d'un concert emblématique de Sting pour la réouverture de la salle du Bataclan, le président François Hollande a présidé les commémorations officielles des attentats du 13 novembre 2015, les plus meurtriers que le pays n'ait jamais connus.

Du Stade de France au Bataclan, en passant par les six bars et restaurants frappés par les commandos du groupe État islamique (EI), il a dévoilé des plaques en mémoire des disparus. À chaque étape, les noms des victimes ont été égrenés, avant une minute de silence et le dépôt d'une gerbe.

Ni le président socialiste, ni la maire de Paris Anne Hidalgo, n'ont dit un mot. À moins de six mois de l'élection présidentielle, les autorités ne voulaient pas être accusées de « récupération ».

Le seul discours a été prononcé par Michael Dias, dont le père Manuel, 63 ans, a été le premier à périr, dans l'explosion d'une ceinture piégée aux abords du Stade de France. « Nous devons nous efforcer de combattre la stigmatisation et la division ; l'intégration est la solution », a-t-il lancé dans un hymne à la « tolérance » et à l'« intelligence ».

Dans la soirée, des milliers de personnes ont déposé 3500 lanternes sur l'eau du canal Saint-Martin, au coeur du nord-est parisien branché et cosmopolite frappé par les djihadistes. Sur ces lumières flottaient de petits messages : « Ne jamais oublier », « On pense à vous » ou encore « Bienveillance ».

Durant une messe à la cathédrale Notre-Dame, l'archevêque de Paris, le cardinal André Vingt-Trois, s'est lui félicité que les Français aient su éviter « une guerre civile, une guerre de religion ».

Pourtant, la France, frappée par d'autres attaques djihadistes, s'est indéniablement durcie au cours de l'année écoulée avec des mesures de sécurité renforcées et une crispation envers la communauté musulmane.

« Ça m'a retourné »

Et ce n'est pas fini. L'état d'urgence, un dispositif d'exception mis en place juste après le carnage, sera « sans doute prolongé de quelques mois » jusqu'au scrutin présidentiel, a annoncé le premier ministre Manuel Valls.

Un an après l'horreur, 59 % des Français estiment que ces événements changeront pour toujours leur manière de percevoir la vie, 56 % restent « en colère », selon un sondage publié dimanche par le journal Le Parisien.

Aucune trace de cette rage dimanche dans les rues de Paris, où l'heure était à l'émotion. « Quelle que soit la couleur de peau ou la religion, tout le monde se retrouve dans la peine », commentait Brigitte, 69 ans, qui connaissait une des victimes.

« Revoir les blessés, parfois en béquilles, en fauteuil roulant, ça m'a retourné », a également confié à l'AFP Thierry, un rescapé du Bataclan, qui espère désormais pouvoir « passer à autre chose ».

Après un lâcher de ballons, Caroline Langlade, de l'association Life for Paris, a appelé à laisser « du temps aux victimes pour qu'elles se réparent ».

Des étrangers s'étaient également glissés dans les rangs recueillis devant le Bataclan, où « 90 vies ont été fauchées », comme l'indique désormais une plaque commémorative. « Beaucoup de Japonais ne viennent plus à Paris à cause des attentats, mais je veux me tenir au côté de la France », expliquait Yoshihide Miwa, 49 ans, venu d'Osaka. En un an, Paris et sa région ont perdu près de deux millions de visiteurs.

Photo Philippe Wojazer, AP

Le président François Hollande et la mairesse de Paris Anne Hidalgo n'ont pas dit un seul mot lors des commémorations.

PHOTO CHRISTOPHE PETIT TESSON, AFP

Le même cérémonial s'est répété (plaques révélées, minute de silence, dépôt de gerbe, noms des victimes égrenées) à chaque lieu de commémoration. Sur la photo, le dévoilement de la plaque en face des restaurants Le Petit Cambodge et Le Carillon.

La salle, entièrement rénovée, a repris vie samedi soir avec un concert de Sting. Après une minute de silence, la vedette britannique a chanté pour « se souvenir de ceux qui ont perdu la vie dans l'attaque », mais aussi pour « célébrer la vie, la musique dans ce lieu historique ».

Le chanteur du groupe Eagles of Death Metal, qui se produisait sur scène le soir du carnage, se trouvait dimanche devant la salle, recueilli et silencieux. La veille, la direction lui avait interdit l'accès au concert en raison de propos mettant en cause les vigiles de la salle.

Photo Michel Euler, AP

Le chanteur d'Eagles of Death Metal, Jesse Hughes, a assisté au dévoilement de la plaque au Bataclan.