Une grande confusion régnait dimanche à la nuit tombée dans le camp hongrois de réfugiés à Röszke, près de la frontière serbe, autour du flot de rumeurs et d'informations en provenance d'Europe.

Le personnel de l'Agence de l'ONU pour les réfugiés venait tout juste d'apprendre que l'Allemagne avait réintroduit le contrôle à ses frontières, et ne savait quelle réponse donner aux réfugiés s'inquiétant pour la suite de leur périple.

«Je ne veux pas rester en Hongrie. Nous avons peur d'avoir affaire à la police», s'est inquiété Yusuf, un Syrien d'une vingtaine d'années.

«S'ils prennent des empreintes, devrons nous ensuite revenir ici?», a-t-il demandé, traduisant par cette question une inquiétude largement partagée par ses compagnons d'infortune.

Un membre du personnel de l'ONU, qui a demandé à n'être pas nommé, leur a expliqué que la seule chose dont il était sûr, c'est que pour l'instant «personne ne serait renvoyé en Hongrie. Personne ne veut que vous restiez ici».

«La manière la plus sûre est de suivre la police et de monter dans les bus», a-t-il ajouté.

Mais, l'Europe étant confrontée à un afflux record de migrants, personne ne sait plus vraiment quelles sont les règles.

Techniquement, les migrants doivent être enregistrés dans le premier pays d'arrivée de l'UE, et doivent y rester jusqu'à ce leur dossier soit traité. Cette réglementation européenne n'a cependant absolument pas été appliquée dans cette crise migratoire.

La Norvège et les Pays-Bas, sont les deux pays les plus cités par les réfugiés, qui ont confié tout au long de la journée à l'AFP leur destination possible ou rêvée.

Banghi Saddun, un Kurde syrien qui a fui Kobané dans l'espoir de terminer ses études d'ingénierie civile a, lui, caressé l'idée de gagner le Royaume-Uni. «J'adorerais aller au Royaume-Uni mais j'ai entendu que c'est très compliqué. Je n'ai pas encore décidé. Ce sera peut-être les Pays-Bas»,  a-t-il dit.

«Nous avons eu beaucoup de chance»

Un nouveau nombre record d'arrivées de migrants a été enregistré samedi en Hongrie, selon des statistiques officielles. Au total, 4330 migrants sont entrés dans le pays, selon la police.

Ils se sont précipités ici avant que la frontière ne soit achevée, ce qui est prévu pour mardi. Une seule ouverture, de 30 à 40 mètres, subsiste dans cette clôture renforcée par des barbelés.

«Nous avons eu beaucoup de chance» a estimé Shadi Dalati, un jeune homme de 39 ans venu de Raqqa, le quartier général du groupe djihadiste État islamique en Syrie, qui a pris la route avec sa femme et deux amis.

«Nous savions que la frontière allait être fermée, donc on ne s'est pas arrêtés depuis que nous avons quitté la Turquie il y a une semaine. Nous n'avons dormi que dans les bus», a-t-il dit.

Les malchanceux qui n'auront pu arriver à temps seront obligés de contourner la Hongrie et passer par la Croatie ou la Roumanie.

Et le flot est loin de se tarir. Dans la nuit de samedi à dimanche, 5000 migrants sont entrés en Macédoine depuis la Grèce, auxquels se sont ajoutés 2000 autres depuis dimanche matin, selon des sources concordantes interrogées par l'AFP sur place.

«La Hongrie est devenue un lieu d'humiliation et de souffrance pour ces demandeurs d'asile», a déploré Peter Bouckaert, un responsable de l'ONG Human Rights Watch se trouvant à la frontière.

«Ils ont quitté des pays en guerre. Ce n'est pas une clôture qui va leur faire tourner les talons, et on ne peut pas construire des clôtures tout autour de l'Europe», a encore déclaré celui-ci.

Bonne volonté et pagaille  

Dans le camp de réfugiés, une femme pliée en deux et sur le point de s'évanouir était transportée dans la tente médicale.

Elle avait porté sa fille sur ses épaules des heures durant.

Grâce cependant aux dons parvenus de toute l'Europe, le camp fonctionne, avec de l'aide médicale, des vêtements, de la nourriture.

«La bonne volonté est immense et elle est bienvenue, mais quand elle n'est pas coordonnée, c'est la pagaille!» a expliqué Babar Baloch, le porte-parole de l'Agence de l'ONU pour les réfugiés.

Il désigne de la main les piles de nourriture pourrissante, les couvertures sales, et des vêtements trempés dispersés dans tous les coins de la pièce, réminiscence des pluies diluviennes de la semaine passée, qui ont fait place à la canicule.

«Hier, un groupe a apporté 24 tonnes d'aide, sans savoir ce dont on avait besoin», a-t-il ajouté.

L'un des plus grands défis a été de garder les familles réunies.

Un homme et une femme pleurent, ils crient le nom de leur fils: «Ahmed, Ahmed!», ils sont au bord de la crise de nerfs. Ils se trouvent juste à l'entrée de l'Union européenne, mais ils retourneront en Serbie, car leur fils a été perdu en route et ils veulent le retrouver.