La signature de l'accord garantissant le maintien de soldats américains en Afghanistan après 2014 pourrait compromettre le processus de paix entre les insurgés islamistes et le gouvernement au Pakistan voisin, ont prévenu mercredi des négociateurs talibans.

Le premier ministre pakistanais Nawaz Sharif a convié la semaine dernière les rebelles du Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP), un regroupement de factions islamistes armées à l'origine d'attentats meurtriers, à de nouveaux pourparlers de paix après plusieurs tentatives infructueuses par le passé.

Les médiateurs du TTP et du gouvernement devaient se rencontrer pour la première fois mardi à Islamabad, mais le rendez-vous a été annulé en raison d'interrogations des autorités sur la composition et le pouvoir réel de la délégation mandatée par les insurgés.

Malgré cette première rencontre ratée, les deux parties ont indiqué à l'AFP être prêtes à lancer des discussions dont le dénouement pourrait toutefois être compromis par la signature de l'accord bilatéral de sécurité (BSA) encadrant la présence d'une force résiduelle occidentale en Afghanistan au-delà de la mission de l'OTAN à la fin de l'année.

«Si les Américains restent en Afghanistan, il n'y aura pas de paix possible dans la région, la situation sera la même, instable», a déclaré à l'AFP le mollah Sami ul-Haq, négociateur en chef des talibans pakistanais aussi considéré comme le «père» de la mouvance talibane dans la région.

Au grand dam de Washington, le président afghan Hamid Karzaï refuse de signer le BSA d'ici la tenue de la présidentielle d'avril qui doit déterminer son successeur.

Si les États-Unis restent, «la guerre va continuer, tout comme le choc entre les musulmans et les États-Unis», a renchéri le mollah Abdul Aziz, également membre de l'équipe de trois négociateurs mandatée par le TTP. «La paix en Afghanistan implique la paix au Pakistan et vice-versa».

Au Pakistan, les observateurs demeurent sceptiques sur une paix réelle et durable entre les insurgés islamistes, qui militent entre autres pour l'imposition de la loi islamique (charia) sur tout le pays, et le gouvernement d'Islamabad.

Les insurgés n'ont pas formulé cette fois-ci de préalables au dialogue avec les autorités, mais semblent a priori inflexibles sur l'imposition de la charia. «Sans la charia, il n'y a pas même 1 % de chance que les talibans acceptent un accord», a ajouté le mollah Abdul Aziz.

Au Pakistan, pays musulman de 180 millions d'habitants, la cour islamique fédérale a déjà pour mandat de s'assurer que les lois du pays se conforment au coran ainsi qu'aux dires et aux actes du prophète Mahomet.

Lorsqu'une loi viole les principes de l'islam, selon ses juges, la cour doit demander aux élus d'amender la législation. «Mais ces tribunaux sont trop faibles» et ne mettent pas véritablement en oeuvre la loi de Dieu, a souligné le mollah dans un entretien à l'AFP.

La dernière amorce de pourparlers de paix entre le TTP et Islamabad avait capoté en novembre dernier après le meurtre du chef des talibans pakistanais Hakimullah Mehsud par une frappe de drone américaine dans les fiefs talibans des zones tribales du nord-ouest.

S'ils n'ont pas mis fin à ces bombardements, les États-Unis ont ces derniers mois réduit largement le nombre de ces attaques.

En janvier dernier, Washington n'a ainsi mené aucune attaque de drone dans les zones tribales, une première pour un mois calendaire depuis plus de deux ans selon le Bureau of investigative Journalism, un organisme de recherche britannique indépendant, ce qui pourrait favoriser le dialogue entre les insurgés et le gouvernement pakistanais.

Des sources américaines préviennent toutefois que cette retenue ne s'applique pas lorsque la cible est considérée comme une menace directe pour les États-Unis, comme ce fut le cas de Hakimullah Mehsud.