Les manifestants qui réclament en Thaïlande la chute du gouvernement ont annoncé jeudi leur volonté de rallier les habitants de Bangkok pour mener une «guerre des classes» contre les élites du pays, alors que le premier ministre faisait un geste d'ouverture en proposant de négocier.

Après deux jours d'un spectaculaire coup médiatique, avec le versement de centaines de litres de sang devant le siège du gouvernement et le domicile d'Abhisit Vejjajiva, les responsables des «chemises rouges» ont annoncé un changement de stratégie pour obtenir des élections anticipées.

Les partisans de l'ex-premier ministre en exil Thaksin Shinawatra ont promis de se disperser en petits groupes dans la capitale samedi, afin de gagner le coeur des classes moyennes urbaines, jusqu'à présent indifférentes à leur cause.

Majoritairement composés de masses rurales du nord et du nord-est du pays, ils espèrent ainsi faire front commun contre les élites traditionnelles de Bangkok - palais royal, militaires, hauts fonctionnaires, magistrats - qui selon eux les négligent et confisquent les fruits du développement économique.

«Cet après-midi, nos responsables défendront leur ligne politique et déclareront la guerre des classes», a proclamé Nattawut Saikur, un des leaders des «rouges».

«J'ai demandé aux ouvriers et fonctionnaires qui ressentent l'injustice de nous rejoindre», a renchéri Suporn Atthawong, un autre responsable «rouge». «La base du peuple rural veut se joindre à la classe moyenne pour faire partir Abhisit».

Le diplômé d'Oxford, 45 ans, est au pouvoir depuis décembre 2008 par un jeu de renversements d'alliances parlementaires, au terme d'une décision de justice qui a dissous le parti pro-Thaksin alors au pouvoir.

Sa légitimité électorale est depuis d'autant plus contestée que Thaksin, seul premier ministre à avoir été réélu en Thaïlande, avait déjà été renversé en 2006 par un coup d'État militaire. 

Au cinquième jour du mouvement qui réclame sa tête, Abhisit a réitéré ses propositions de dialogue.

«Si les négociations restent dans le cadre de la loi, le gouvernement n'a aucune objection à (y) participer», a-t-il indiqué à la télévision, depuis un camp militaire où il s'est retranché avec son gouvernement et l'état-major.

«Le gouvernement est prêt à débattre si tous les partis se mettent d'accord sur le fait que la dissolution apportera une paix véritable», a-t-il ajouté.

Certains responsables ont affirmé cette semaine craindre pour sa sécurité, sans réellement étayer leurs affirmations. Aucune violence n'a été constatée depuis le début du mouvement, si ce n'est l'explosion de grenades qui n'ont pas été liées aux «rouges» par la police. Quelque 50 000 membres des forces de l'ordre sont mobilisées.

L'avenir du mouvement semblait bien fragile jeudi, selon certains analystes.

«Bien que les "chemises rouges" aient réussi à attirer l'attention sur leur cause, la majorité des forces de la société thaïlandaise semblent réunies contre elles», estimait ainsi Paul Chambers, de l'université allemande d'Heidelberg, en énumérant «la monarchie, les militaires aux plus hautes fonctions, les tribunaux, la coalition au pouvoir et la plupart des entreprises».

Les «rouges», qui ont atteint un maximum de 100 000 personnes dimanche, n'étaient de facto plus que 38 000 mercredi soir. «Nous préparerons un autre "Jour J" après avoir constaté la réaction du peuple samedi», a cependant assuré un cadre du mouvement.