L'armée thaïlandaise a fait usage de gaz lacrymogène et a tiré en l'air lundi matin pour disperser des manifestants antigouvernementaux qui défiaient l'état d'urgence imposé la veille et occupaient un carrefour stratégique de Bangkok, faisant au moins 70 blessés.

Des soldats ont tiré des coups de feu en l'air pour faire fuir des protestataires qui leur lançaient des cocktails molotov et des pavés au carrefour de Din Daeng, selon un photographe de l'AFP.

Les militaires ont également recouru au gaz lacrymogène pour déloger ces manifestants et les affrontements ont fait au moins 70 blessés, dont deux sont dans un état sérieux, selon un responsable des services de secours.

Ce responsable a démenti une affirmation diffusée sur une radio proche des opposants selon laquelle les soldats auraient tué cinq ou six manifestants. En revanche, un médecin, s'exprimant sous le couvert de l'anonymat, a indiqué que deux manifestants avaient été blessés par balle.

C'est la première fois que l'armée thaïlandaise emploie la force contre les manifestants depuis l'instauration de l'état d'urgence dans la capitale thaïlandaise, dimanche.

Le Premier ministre Abhisit Vejjajiva a décrété cette mesure d'exception car il est confronté depuis des semaines aux manifestations des «chemises rouges» - surnom des partisans de l'ex-Premier ministre en exil Thaksin Shinawatra - qui réclament sa démission et des élections anticipées.

«Nous commençons par des mesures légères, puis nous passerons aux plus dures. Nous éviterons de sacrifier des vies, comme l'a ordonné le gouvernement», a affirmé le colonel Sunsern Kaewkumnerd, porte-parole de l'armée.

Panitan Wattanayagorn, porte-parole gouvernemental, a dit un peu plus tard à la télévision que les soldats avaient réussi à dégager le carrefour de Din Daeng et qu'«un certain nombre de manifestants avaient été interpellés et placés en détention dans des endroits sûrs».

Mais les autorités n'ont entrepris aucun effort pour déloger quelque 10 000 opposants qui, selon la police, ont campé pendant la nuit autour du siège du gouvernement. Un de leurs leaders, Jatuporn Prompan, a vivement dénoncé l'entrée en action de l'armée à Din Daeng et «la répression de manifestants non armés».

Samedi, les «chemises rouges» avaient provoqué l'annulation d'un sommet asiatique dans la station balnéaire de Pattaya en prenant d'assaut l'hôtel où il se déroulait, obligeant les dirigeants à fuir par hélicoptère depuis les toits.

L'arrestation, dimanche, du leader des protestataires de Pattaya, l'ancien chanteur de pop Arisman Pongreungrong, a aggravé la tension.

Des milliers de «chemises rouges» ont déferlé dans les rues de Bangkok, se massant devant le ministère de l'Intérieur où se trouvait M. Abhisit. Ils ont violemment attaqué plusieurs voitures officielles. L'une d'entre elles, dans laquelle les protestataires croyaient à tort que se trouvait le Premier ministre, a été bombardée à coups de pavés et de pots de fleur.

L'armée s'est alors déployée dans Bangkok, officiellement pour protéger les bâtiments publics. Mais les manifestants se sont emparés de plusieurs blindés, sans rencontrer de résistance de la part des militaires.

Thaksin Shinawatra, 59 ans, ancien homme fort de la Thaïlande renversé par des généraux royalistes en 2006, s'est enfui à l'étranger pour échapper à une condamnation et diverses enquêtes anticorruption. Homme d'affaires controversé, il reste toutefois populaire parmi les couches défavorisées, en particulier dans les régions rurales du nord.

Abhisit Vejjajiva, 44 ans, est devenu Premier ministre le 15 décembre à la faveur d'un renversement d'alliance parlementaire, consécutif à d'imposantes manifestations royalistes qui avaient entraîné l'occupation pendant huit jours des deux aéroports de Bangkok. Les «chemises rouges» accusent M. Abhisit d'être une «marionnette» de l'armée et de certains conseillers du roi.