Le président Mahinda Rajapakse, du Sri Lanka, avait juré en 2006 d'«anéantir par les bombes» les Tigres de libération de l'Eelam (LTTE), qui se battent depuis 30 ans pour un foyer national tamoul dans le nord et l'est de l'île bouddhiste.

Les États-Unis, l'Europe et le Canada venaient d'inscrire les LTTE sur leurs listes d'«organisations terroristes». Les Scandinaves, qui y géraient un processus de paix délicat depuis 2002, ont crié à la catastrophe: «Ils viennent de donner carte blanche à Colombo pour en finir avec les Tigres», a dit le général suédois Ulf Henricsson, alors chef de la mission de paix.

 

Le mois dernier, Rajapakse reconnaissait dans une entrevue à l'influent journal indien The Hindu que «les questions politiques ne peuvent pas être réglées par la force militaire». Une conclusion qu'il aurait dû tirer depuis longtemps déjà: les mouvements de libération nationale, au Sri Lanka, en Palestine ou ailleurs, ne se résorbent pas par le simple fait d'être baptisés «terroristes».

Programme électoral

Malgré son aveu d'octobre, le chef de l'État sri-lankais continue pourtant d'user de la force militaire contre les Tigres. Les médias et groupes de droits de la personne sont exclus de la région, mais Colombo affirme que son armée resserre l'étau autour du QG des Tigres à Kilinochchi, dans le Nord.

Des experts pensent que Rajapakse peut prendre Kilinochchi. Il en profitera pour décréter des législatives au Sri Lanka dans des conditions optimales pour son parti. Mais il n'aura pas éliminé le LTTE, qui a la jungle et la mer pour se retirer.

Mais surtout, et de plus en plus, les Tigres comptent sur leur quatrième dimension, c'est-à-dire l'immense hinterland de quelque 100 millions de Tamouls en Inde et dans l'Asie du Sud-Est. Sur la voie électorale, le premier ministre indien Manmohan Singh, déjà abandonné par la gauche, doit cultiver ses alliés tamouls - surtout si l'Inde est soudain envahie par des millions de réfugiés tamouls du Sri Lanka.

Vellupillai Prabhakaran, chef du LTTE qui a eu 54 ans mercredi dernier, doit prononcer demain son discours annuel pour rallier ses troupes et sa base. Son rôle dans l'assassinat de Rajiv Gandhi en 1991 lui a coûté cher en Inde, mais 17 ans plus tard il retrouve des appuis, qu'une catastrophe annoncée au Sri Lanka galvanise déjà.

Accusation de «génocide»

Les instances tamoules dans le monde accusent le gouvernement Rajapakse de commettre un «génocide» contre la minorité tamoule du Sri Lanka (3,5 millions contre 15 millions de Cinghalais bouddhistes).

Le premier ministre de l'État indien du Tamil Nadu, M. Karunanidhi, a décidé hier de diriger le 4 décembre une mission à Delhi pour presser le gouvernement Singh d'obtenir un cessez-le-feu et un règlement négocié au Sri Lanka.

Human Rights Watch (HRW), groupe de défense des droits de la personne de New York, a jeté son poids dans la crise hier en accusant le gouvernement Rajapakse d'au moins 30 exécutions extrajudiciaires et d'un nombre élevé d'enlèvements «dans les zones qu'il dit avoir libéré des Tigres tamouls».

Le discours du chef suprême des Tigres, demain, devrait apporter des indices attendus avec intérêt tant à Colombo qu'à Delhi - et au sein de la diaspora tamoule au Canada.