(Jakarta) Des centaines d’étudiants de la province d’Aceh dans l’ouest de l’Indonésie ont envahi mercredi un abri accueillant temporairement plus d’une centaine de réfugiés rohingya qu’ils ont obligés à fuir, a constaté l’AFP.

Il s’agit du dernier incident en date lié à l’hostilité de la population locale envers ces réfugiés, membres de la minorité musulmane apatride des Rohingya persécutée en Birmanie.

Depuis la mi-novembre, plus de 1500 réfugiés rohingya ont fui leurs camps précaires au Bangladesh pour gagner la province d’Aceh par la mer, dans des embarcations de fortune.  

C’est le plus important mouvement de migration de Rohingya vers l’Indonésie depuis 2015, selon les Nations unies.

Après leur dangereuse traversée, ces réfugiés font face à un nouvel obstacle : l’hostilité à leur encontre de la population locale.

Les étudiants, pour beaucoup vêtus de blousons aux insignes de diverses universités, ont pénétré dans un édifice gouvernemental où étaient accueillis 137 réfugiés rohingya à Banda Aceh pour réclamer leur transfert dans un bureau local de l’immigration en vue de leur expulsion.

Aux cris de « Mettez-les dehors » et « pas de Rohingya en Aceh », les étudiants ont donné des coups de pied dans les affaires des réfugiés, selon des images filmées sur place.  

Les manifestants en sont également venus aux mains avec la police qui protégeait les réfugiés effrayés avant d’autoriser les étudiants à les emmener, a constaté un journaliste de l’AFP sur place.

Les étudiants ont brûlé des pneus et fait venir des camions pour emmener les Rohingya que les policiers ont aidés à embarquer pour aller sur un site gouvernemental voisin.

Les responsables de la police à Banda Aceh n’ont pas répondu à une demande de commentaire présentée par l’AFP.

L’agence des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) a souligné dans un communiqué que les réfugiés étaient choqués et traumatisés et a fait part de sa profonde inquiétude « pour la sécurité des réfugiés appelant les forces de police à mener des actions urgentes pour assurer la protection de tous ces individus désespérés et du personnel humanitaire ».

« L’attaque sur les réfugiés n’est pas un acte isolé, mais le résultat d’une campagne en ligne coordonnée de fausses informations, de désinformation et de discours de haine contre des réfugiés », ajoute le communiqué.

« Nous avons manifesté parce que nous ne sommes pas d’accord pour que les Rohingya continuent d’arriver », a déclaré à l’AFP Kholilullah, un étudiant âgé de 23 ans, qui ne porte qu’un seul nom comme beaucoup d’Indonésiens.

Dans la province d’Aceh, beaucoup d’habitants, se remémorant souvent les décennies de conflit entre des séparatistes locaux et l’armée indonésienne jusqu’au début des années 2000, compatissent avec leurs coreligionnaires. Mais d’autres accusent les Rohingya de prendre des ressources déjà rares et de se quereller parfois avec la population locale.

« Les habitants d’Aceh avaient l’habitude de bien les accueillir, mais, comme nous le savons, il y a des trafiquants qui font venir les Rohingya à Aceh », a déclaré un autre étudiant, Muhammad Khalis.

L’Indonésie n’est pas signataire de la Convention des Nations Unies sur les réfugiés et affirme qu’elle n’est pas obligée d’accueillir ces réfugiés, stigmatisant les pays voisins qui leur ont fermé leurs portes.