(Rangoun) La junte birmane a bombardé jeudi une ville de l’État Rakhine qui serait passée sous le contrôle de ses adversaires, dans ce qui constitue un nouveau front dans le conflit entre l’armée et des groupes ethniques minoritaires, ont indiqué un média local et des habitants à l’AFP.

Les combattants de l’Armée d’Arakan (AA, Arakan étant l’ancien nom de Rakhine) ont lancé cette semaine dans l’ouest du pays une offensive visant les forces de sécurité rattachées au pouvoir militaire central.

Leur attaque a contribué à propager le conflit qui a éclaté fin octobre dans l’État Shan (nord), proche de la frontière chinoise, et qui a aussi connu des répercussions dans l’État Kayah (est), près de la Thaïlande.

Situé dans l’ouest du pays, l’État Rakhine abrite environ un million de personnes appartenant à l’ethnie apatride Rohingya, majoritairement musulmane, qui a été victime en 2017 d’une campagne de répression par l’armée birmane qui fait l’objet une plainte pour « actes de génocide » auprès de la Cour internationale de justice (CIJ).

Des habitants de Pauktaw ont témoigné auprès de l’AFP de la présence de combattants de l’AA dans la ville, qui échapperait au contrôle de la junte. Pauktaw est situé à environ 25 kilomètres de la capitale régionale Sittwe.

Un résident, qui a souhaité rester anonyme pour des raisons de sécurité, a affirmé que l’armée régulière bombardait la ville, et que ses hélicoptères tiraient sur un poste de police occupé par l’AA.

Beaucoup d’habitants ont quitté Pauktaw, a affirmé cette source, qui entend le bruit presque continu des coups de feu et des obus d’artillerie.

Environ 30 policiers de Pauktaw se sont rendus mercredi à l’Armée d’Arakan, a témoigné auprès de l’AFP un autre habitant souhaitant rester anonyme.

Un média local a rapporté par ailleurs qu’un navire militaire birman s’était rapproché de la ville.

Dans le district de Minbya, dans le nord de l’État Rakhine, trois Rohingya ont été tués mardi soir par des tirs d’artillerie au cours des affrontements entre l’AA et l’armée, a indiqué un leader local de la communauté rohingya.

« Les combats se poursuivent depuis lors. Beaucoup de Rohingya ont besoin d’aide pour se procurer de la nourriture et des endroits pour se cacher », a déclaré cette source, qui n’a pas donné son nom pour des raisons de sécurité.

L’Armée d’Arakan fait partie de l’alliance armée de trois groupes ethniques minoritaires qui ont coordonné une attaque contre la junte fin octobre, dans l’État Shan.

Dans l’État Rakhine, la junte et l’AA respectaient une trêve jusqu’à cette semaine.

Les combattants de l’AA se battent depuis des années pour l’autonomie de cette région qui abrite l’ethnie Rohingya, dont les membres sont considérés comme apatrides par l’État birman depuis 1982.

Les affrontements entre l’AA et l’armée ont provoqué le déplacement de plus de 200 000 personnes en 2019, soit presque un habitant sur cinq de la région.