(Hong Kong) La plus haute juridiction de Hong Kong s’est prononcée mardi en faveur des unions civiles entre personnes de même sexe, mais ne leur a pas accordé le droit de se marier, une victoire en demi-teinte pour la communauté LGBT+.

L’affaire jugée mardi a été portée par le célèbre militant prodémocratie actuellement en détention, Jimmy Sham. C’est la première fois que la Cour d’appel finale se prononçait sur le mariage entre personnes de même sexe.  

Dans son arrêt, la plus haute juridiction du territoire autrefois semi-autonome a estimé que le gouvernement contrevient « à son obligation […] de reconnaître légalement les couples de même sexe » comme par le biais d’unions civiles.  

Elle a cependant « rejeté à l’unanimité le recours » concernant la reconnaissance des mariages même contractés à l’étranger, selon l’arrêt rendu.  

La cour a accordé « un délai de deux ans » aux autorités pour se conformer à cet arrêt et créer un cadre légal, laissant à l’exécutif et au Parlement – dénué d’opposition – le soin de décider des détails.

Ce jugement était très attendu par la communauté LGBT+ de l’ex-colonie britannique qui, depuis une décennie, a remporté d’importantes victoires devant les tribunaux, notamment l’annulation des politiques gouvernementales discriminatoires en matière de visas, d’impôts et d’aides au logement.

« Un pas en avant »

Cette victoire « partielle », selon des militants et avocats des droits de l’Homme, pourrait paver la voie vers davantage de protection pour les couples homosexuels.

« Cette décision constitue un pas en avant important… mais il reste encore un long chemin à parcourir », a réagi Amnistie internationale, appelant le gouvernement à ne pas retarder sa mise en œuvre.

Travas Chow, de l’association Hong Kong Marriage Equality, a salué une « agréable surprise ». En couple depuis sept ans, lui et son compagnon ont « commencé à réfléchir à la possibilité de rester à Hong Kong à long terme » si « les moments importants » de leur vie y sont envisageables.

Le militant Brian Leung reste lui avec des sentiments mitigés. « Le gouvernement va devoir présenter des résultats », souligne-t-il. Mais « localement la société civile a été brisée et la voix de la communauté peut-elle se faire entendre par les législateurs ? », s’interroge-t-il.

La population de Hong Kong est de plus en plus ouverte au mariage homosexuel. Selon un sondage réalisé en 2023, 60 % des Hongkongais y sont favorables contre 38 % une décennie auparavant.

Mais les dirigeants du territoire, pro-Pékin, ont montré peu d’empressement, ces dernières années, à adopter une législation en faveur des droits LGBT+.

Depuis qu’il s’est lancé dans cette bataille judiciaire en 2018, M. Sham, 36 ans, a essuyé deux revers devant les tribunaux hongkongais qui ont refusé de reconnaître son union avec son partenaire, contractée aux États-Unis il y a bientôt dix ans.  

En août l’an dernier, les juges avaient estimé en appel que la Loi fondamentale, la mini-constitution de Hong Kong, « ne donne accès à l’institution du mariage qu’aux couples hétérosexuels ».  

« Très, très long voyage »

L’activiste avait fait valoir que l’interdiction par la ville du mariage entre personnes de même sexe contrevenait au droit à l’égalité et que l’absence d’alternative-comme l’union civile-faisait de même, en plus de violer son droit au respect de la vie privée.  

L’avocate britannique Karon Monaghan, qui représente M. Sham, avait déclaré au tribunal en juin que cette interdiction désavantageait les couples de même sexe dans des domaines tels que l’héritage et la location de logements.

M. Sham fait partie des dizaines de militants qui attendent derrière les barreaux d’être jugés pour avoir violé cette loi. Sa détention n’a cependant rien à voir avec son combat pour les droits des LGBT+.  

Suen Yiu-tung, universitaire spécialisée dans les études de genre, a expliqué que Hong Kong avait dépénalisé les actes sexuels entre hommes adultes en 1991, mais qu’il n’existe toujours « aucune protection contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre ».  

Les tribunaux ont annulé les politiques discriminatoires « secteur par secteur », mais cela a été un « très, très long voyage », a expliqué M. Suen à l’AFP.  

L’affaire jugée mardi est différente, car elle demande une reconnaissance plus « globale » du mariage homosexuel, mais cela signifie également qu’une victoire « pourrait être plus difficile », a-t-il ajouté.

En Asie, seuls le Népal et Taïwan reconnaissent le mariage entre personnes du même sexe, tandis qu’en Corée du Sud, les parlementaires ont récemment proposé un projet de loi pour reconnaître les unions entre personnes du même sexe.

En juillet, une émission consacrée à l’égalité des droits des LGBT+, diffusée depuis 17 ans par la radio publique hongkongaise, a pris fin, la direction ayant invoqué « un changement de programme » pour justifier cette suppression.