(Bangkok) Pita Limjaroenrat, chef du parti pro-démocratie vainqueur des élections législatives en Thaïlande, est menacé de disqualification, la commission électorale ayant ouvert lundi une enquête pour des soupçons d’irrégularités, un nouveau rebondissement dans la route incertaine jusqu’au pouvoir.

Le mouvement progressiste Move Forward a créé la surprise en mai dernier, en infligeant un revers historique aux militaires qui contrôlent le pays depuis le coup d’État de 2014.

Malgré une victoire nette, et le soutien d’une coalition majoritaire à l’Assemblée nationale, son jeune leader de 42 ans, visage du renouveau souhaité par les nouvelles générations, n’est pas certain de devenir le prochain premier ministre.

La commission électorale (EC) doit déterminer si Pita Limjaroenrat était qualifié ou non pour le scrutin, en raison d’actions qu’il possède dans une chaîne de télévision.

Le code électoral thaïlandais interdit aux candidats de posséder des parts dans un journal ou un autre type de média d’information.

« Il y a suffisamment d’éléments et de preuves pour approfondir l’enquête sur la qualification de Pita Limjaroenrat au scrutin », a déclaré à l’AFP le président de l’EC, Ittiporn Boonprakong.

« La commission électorale a créé un comité d’enquête », a poursuivi le responsable.

Pita Limjaroenrat a expliqué qu’il avait hérité de son père des actions dans la chaîne de télévision iTV, qui ne diffuse plus depuis 2007.

Il s’est défendu de toute manœuvre illégale, pointant du doigt une procédure motivée politiquement.

« Move Forward a toujours confiance dans le fait que le pouvoir du peuple gagnera en fin de compte, et que la commission électorale travaillera de manière honnête sur la base de principes constitutionnels », a indiqué lundi le secrétaire général du parti, Chaitawat Tulathon.

À la suite de l’enquête, la commission électorale décidera s’il y a matière à transmettre le dossier à la Cour constitutionnelle, qui doit trancher.

Opposition du Sénat

M. Limjaroenrat s’expose à une peine d’emprisonnement allant de un à dix ans, et à la révocation de son droit de vote durant 20 ans.

Cette annonce jette le trouble autour de Move Forward, encore loin de pouvoir former un gouvernement malgré une victoire éclatante dans les urnes.

La formation associée à la couleur orange a remporté le plus grand nombre de députés au Parlement, devant l’autre poids lourd de l’opposition pro-démocratie, Pheu Thai, contrôlé par la richissime famille Shinawatra.

Les deux mouvements ont joint leurs forces dans une coalition de huit partis qui dispose d’une majorité confortable dans la Chambre basse.

Mais pour devenir premier ministre lors du vote attendu fin juillet, Pita Limjaroenrat a besoin du soutien d’une partie des 250 sénateurs nommés par l’armée.

Or certains d’entre eux ont déjà annoncé leur opposition au candidat progressiste dont le programme remet en cause la place de certaines institutions jugées favorables aux élites conservatrices.

Move Forward a notamment promis de réécrire la Constitution de 2017 rédigée par la junte alors au pouvoir, de mettre fin à la conscription militaire obligatoire et de légaliser le mariage homosexuel.

Le parti doit également composer avec la menace de poursuites judiciaires, un scénario récurrent dans l’histoire politique de la Thaïlande parsemée de coups d’État et de dissolutions.

La dissolution de Future Forward en 2020, l’ancêtre de Move Forward, a conduit à des manifestations massives à Bangkok réclamant plus de démocratie et de transparence.

Une décision similaire contre Move Forward pourrait créer de nouvelles contestations d’ampleur, selon des experts.