Les États-Unis et la Corée du Sud lancent une série de manœuvres militaires

Après avoir tenté en vain d’amadouer la Corée du Nord en renonçant pendant quelques années à la tenue d’exercices militaires de grande envergure, les États-Unis et la Corée du Sud changent de cap.

Les deux pays ont lancé lundi une série de manœuvres devant se dérouler sur une période de dix jours dans la péninsule coréenne en vue de parfaire leur réponse à une hypothétique attaque de Pyongyang, qui multiplie les tests de missiles depuis le début de l’année.

Dans un communiqué publié à la fin de la semaine dernière, le Pentagone et le ministère de la Défense sud-coréen ont précisé que les exercices de cette année auraient une portée « élargie » en raison de la posture agressive du régime de Kim Jong-un.

Ils ont prévenu par ailleurs que tout nouveau test nucléaire de la Corée du Nord entraînerait une « ferme » réponse bilatérale pouvant se traduire notamment par le déploiement de ressources américaines additionnelles en Corée du Sud, où sont déjà basés près de 30 000 soldats.

L’ex-président américain Donald Trump avait annoncé en 2018 la suspension de ces exercices militaires dans l’espoir de permettre la conclusion d’un accord de dénucléarisation avec Pyongyang, mais le stratagème n’a pas donné de résultats.

Denny Roy, un spécialiste de la région rattaché à l’East-West Center, note que la décision de Washington avait facilité la tenue de négociations sans pour autant mener à un déblocage substantiel.

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Yoon Suk-yeol, président de la Corée du Sud

Le président sud-coréen, Yoon Suk-yeol, arrivé au pouvoir en mai, et le président américain, Joe Biden, ont conclu, dit le chercheur, qu’il s’agissait ultimement d’une manœuvre « coûteuse n’offrant pas de bénéfices ».

La reprise des exercices militaires d’envergure est susceptible de générer une réponse agressive de Pyongyang, qui les dénonce traditionnellement comme des préparatifs à une éventuelle invasion, même si Séoul et Washington assurent qu’ils sont de nature strictement défensive.

Plan d’aide proposé

Le nouveau président sud-coréen a récemment tenté de convaincre le régime nord-coréen de s’engager sur la voie de la dénucléarisation en proposant un « audacieux » plan d’aide économique et humanitaire rapidement refusé par Pyongyang.

La sœur du dictateur nord-coréen, Kim Yo-jong, a décrit la proposition comme étant une « absurdité » en précisant que le pays n’avait aucune intention de renoncer à ses armes nucléaires en contrepartie d’une aide de cette nature.

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Kim Yo-jong, sœur de Kim Jong-un

« Personne ne sacrifie son avenir pour quelques galettes de maïs », a-t-elle précisé dans une déclaration rapportée par l’agence de presse nord-coréenne KCNA.

Selon M. Roy, Pyongyang veut être reconnu formellement comme puissance nucléaire par les États-Unis et obtenir que soient levées les sanctions économiques imposées à son encontre en contrepartie d’un éventuel accord de contrôle d’armements.

La multiplication de tests de missiles vise, dit-il, à augmenter le sentiment d’insécurité de la Corée du Sud en vue de favoriser la tenue de pourparlers.

Déblocage peu probable

Robert Huish, un spécialiste des questions de développement international rattaché à l’Université de Dalhousie, estime qu’un déblocage susceptible de mener à un contrôle de l’arsenal nucléaire nord-coréen ou à une amélioration de la situation humanitaire dans le pays paraît hautement improbable dans un avenir rapproché.

L’administration de Joe Biden voit la Corée du Nord comme « une menace pour le monde et pour elle-même » et n’entend pas renouveler les ouvertures formulées par Donald Trump, dit-il.

La reprise des exercices militaires d’envergure a un sens pratique, note M. Huish, puisqu’il est nécessaire de s’assurer que le personnel militaire en place est correctement préparé pour une éventuelle confrontation.

Elle a aussi, note le chercheur, un but symbolique important, soit de faire comprendre au régime nord-coréen qu’il serait mal avisé de tenter un « coup d’éclat » susceptible de déstabiliser la région.

Le régime de Kim Jong-un, ajoute-t-il, adopte une attitude « irresponsable » en multipliant les tests de missiles et préfère maintenir une posture de bravade plutôt que de reconnaître ses propres lacunes et de prendre les mesures requises pour venir en aide à la population.

Dans cette veine, les autorités nord-coréennes ont menacé au début du mois de s’en prendre agressivement à la Corée du Sud après avoir accusé le pays d’être à l’origine d’une épidémie de COVID-19 sur son territoire.

« On ne sait pas quelle est la situation sanitaire à l’heure actuelle. Il n’y a aucune donnée pouvant nous permettre de voir clair au-delà de la provocation », conclut le chercheur.