(Sydney) Longtemps épargnée par la pandémie, l’Australie est aujourd’hui frappée par une flambée des contaminations, portée par le variant Delta, qui menace sa stratégie du « zéro COVID-19 » et lui imposera désormais de vivre avec le virus.

Après de longues périodes sans contaminations, 4610 cas de COVID-19 ont été recensés à Sydney, une ville de cinq millions d’habitants, depuis l’arrivée de cette nouvelle vague épidémique. Chaque jour, l’île-continent affiche de nouveaux records de contagion, en dépit du confinement actuel de près des deux tiers de ses 25 millions d’habitants.

Les autorités locales commencent à envisager de simplement contenir le virus, un véritable changement de cap après 18 mois passés à défendre la stratégie du « zéro COVID-19 ».

« Compte tenu des chiffres et de ce qui se passe à l’étranger, nous devons désormais vivre avec le variant Delta d’une manière ou d’une autre, c’est évident », a déclaré Gladys Berejiklian, la première ministre de l’État de Nouvelle-Galles du Sud.  

« Nous ne reviendrons pas au zéro COVID-19 », explique à l’AFP Emma McBryde, spécialiste des maladies infectieuses à l’Université James Cook.  

Comme la plupart des experts, elle reconnaît que la stratégie australienne drastique de lutte contre le virus, via une intense campagne de dépistage et de traçage, des confinements et une quasi-fermeture de ses frontières, demeure essentielle, bien que moins efficace.

« L’objectif devrait désormais être de garder la COVID-19 sous contrôle assez longtemps pour pouvoir se faire vacciner », souligne-t-elle.

Tony Blakely, épidémiologiste à l’Université de Melbourne, a estimé lui aussi sur la chaîne publique ABC que l’Australie ne reviendrait « probablement jamais » à l’éradication des cas de transmission locale.  

PHOTO DANIEL POCKETT, AAP IMAGE VIA AP

Une clinique de dépistage mobile a été installée dans le stationnement d'un collège de Melbourne.

Changement de donne

À l’exception de quelques îles isolées du Pacifique et de la Nouvelle-Zélande, peu de pays ont traversé les 18 premiers mois de l’épidémie de coronavirus aussi bien que l’Australie.  

Alors que la COVID-19 a fait plus de 4 millions de morts et infecté plus de 200 millions de personnes dans le monde en dépit des restrictions sanitaires, les Australiens ont vécu la plupart du temps normalement, continuant de fréquenter bars, restaurants et plages. Le pays a recensé au total 35 390 cas, dont 932 décès.

Les rares cas de contamination avaient un lien avec des hôtels, situés dans les grandes villes, où les voyageurs arrivant de l’étranger sont placés en quarantaine.

Mais l’apparition du variant Delta, hautement contagieux, a changé la donne.

Mi-juin, un chauffeur qui prenait en charge des équipages de compagnies aériennes a été testé positif à ce variant. Depuis lors, le nombre d’infections quotidiennes n’a cessé d’augmenter malgré le confinement de Sydney, entré dans sa sixième semaine, et des foyers épidémiques sont apparus à travers le pays.  

Près de 16 millions d’Australiens sont actuellement contraints de rester chez eux au moment où l’Europe et l’Amérique du Nord lèvent les restrictions.

« Échapper au pire »

La politique menée par la Nouvelle-Galles du Sud a été critiquée par certains États australiens et le gouvernement, selon lesquels le confinement de Sydney a été trop tardif ou pas assez strict.   

Les autorités des États de Victoria, d’Australie-Occidentale, d’Australie-Méridionale et du Queensland continuent de mener une politique visant à empêcher l’apparition de nouveaux cas, un objectif devenu plus dur à atteindre.

« La stratégie australienne zéro COVID-19 nous a permis d’échapper au pire de la pandémie jusqu’à présent : le nombre de décès a été parmi les plus bas du monde, notre récession parmi les plus courtes », indique un rapport de l’Institut Grattan, un groupe de réflexion sur les politiques publiques.  

« Nous avons été confrontés à moins de restrictions dans notre vie quotidienne que presque partout ailleurs. Mais nous avons payé un lourd tribut. Nous sommes coupés du reste du monde et nous avons souvent été confinés », souligne ce rapport. « Les Australiens ont soutenu une politique stricte, mais ils sont aussi fatigués et frustrés ».

Aujourd’hui, beaucoup s’accordent à dire que la vaccination est désormais la seule issue mais, avec à peine plus de 16 % des Australiens entièrement vaccinés, en partie à cause d’un mauvais approvisionnement, la route reste longue.