(Caracas) Le ministre vénézuélien des Affaires étrangères a annoncé jeudi « suspendre les activités » du bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) dans le pays et ordonné le départ de son personnel sous 72 heures, après les critiques sur la détention de l’avocate Rocio San Miguel.

« Nous regrettons cette annonce et évaluons les prochaines actions à mener. Nous continuons à dialoguer avec les autorités et les autres parties prenantes. Notre principe directeur a été et reste la promotion et la protection des droits humains du peuple vénézuélien », a réagi la porte-parole du HCDH à Genève, Ravina Shamdasani.

Le HCDH, dirigé par Volker Türk, avait auparavant sur le réseau X exprimé sa « profonde inquiétude » après le placement en détention de la « militante des droits de l’homme » Rocio San Miguel, poursuivie pour « terrorisme », demandant « instamment sa libération immédiate et le respect de son droit à la défense ».

Le ministre Yvan Gil a dénoncé le « rôle inapproprié que cette institution a développé, qui loin de se montrer comme une entité impartiale, l’a conduite à devenir le bureau privé des putschistes et des terroristes qui complotent en permanence contre le pays ».

Selon lui, la suspension restera en vigueur « jusqu’à ce qu’ils rectifient publiquement devant la communauté internationale, leur attitude colonialiste, abusive et violant la Charte des Nations unies ». Il a cependant assuré que le Venezuela « continuera à coopérer avec le bureau du Haut Commissaire à Genève ».

L’ONG vénézuélienne de défense des droits humains Provea a estimé que cette décision « accroît la vulnérabilité des victimes aux abus et tente d’empêcher le contrôle par les organismes internationaux ».

PHOTO IVAN REYES, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le HCDH, dirigé par Volker Türk, avait sur le réseau X exprimé sa « profonde inquiétude » après le placement en détention de l’avocate « militante des droits de l’homme » Rocio San Miguel, poursuivie pour « terrorisme ».

Mme San Miguel, de nationalité vénézuélienne et espagnole, est accusée de « trahison », « terrorisme » et « conspiration », car « directement liée » à un attentat qui visait à assassiner le président Nicolas Maduro, selon le procureur général du Venezuela Tarek William Saab qui a fustigé mardi « une campagne féroce menée depuis l’étranger contre la justice et l’État vénézuéliens ».

L’Union européenne et les États-unis avaient également fait part de leur « préoccupation » après l’arrestation le 9 février de la directrice d’ONG, spécialiste des questions militaires. Son ex-mari a également été placé en détention dans cette affaire de complot présumé pour laquelle 19 personnes ont été arrêtées.

Le HCDH possède un bureau au Venezuela depuis 2019. Sa tâche principale est de « fournir un soutien à la mise en œuvre effective des recommandations émises » dans les rapports que le Haut-Commissaire présente au Conseil des droits de l’homme.

Depuis 2019, il y a eu au moins six rapports sur la situation au Venezuela et Volker Türk s’était rendu en janvier 2023 dans le pays, sur invitation de Caracas. Il avait rencontré le président Maduro et des représentants de la société civile dénonçant « des violations systématiques ».  

« Escalade »

Mercredi, des membres d’ONG ont manifesté à Caracas devant les bureaux de la HCDH aux cris de « Libérez Rocio ».

« Rocio San Miguel est détenue dans le cadre de la politique de l’État vénézuélien visant à criminaliser les organisations de la société civile et leurs membres […]. Nous assistons à une escalade dans la criminalisation et la répression », a déclaré à l’AFP l’avocate Andrea Santacruz, de l’ONG Civilis, « certaine qu’elle n’est impliquée dans aucun acte illicite ».

Le Conseil des droits de l’homme des Nations unies, organe intergouvernemental composé de 47 États, a pour sa part établi, en 2019 également, une mission d’enquête indépendante d’établissement des faits sur la République bolivarienne du Venezuela.

Dans un rapport mardi, la mission a dénoncé une « vague de répression contre les opposants » qui s’intensifie dans le pays.

Selon la présidente de la mission d’enquête, Marta Valinas, « il ne s’agit pas d’incidents isolés, mais plutôt d’une série d’évènements qui semblent faire partie d’un plan coordonné visant à réduire au silence les critiques et les opposants présumés ».

Francisco Cox, membre de la mission, a soutenu que « l’État vénézuélien a violé les droits de l’homme de dizaines de personnes en enquêtant sur des groupes de conspirateurs présumés, privant les personnes faisant l’objet d’enquêtes, détenues et poursuivies des droits les plus élémentaires ».

Il a appelé au « plein respect des droits de l’homme », en référence notamment aux « détentions et menaces de détention […] de militants du parti politique vainqueur des élections primaires de l’opposition, et la disqualification de dirigeants politiques, y compris de la cheffe de l’opposition Maria Corina Machado ».