(Caracas) Les États-Unis et l’UE ont dit mardi être « profondément préoccupés » par le placement en détention pour « conspiration » d’une avocate vénézuélienne critique du gouvernement Maduro, l’ONU dénonçant un « plan coordonné visant à réduire au silence les critiques et les opposants présumés ».

L’avocate Rocio San Miguel, 57 ans, spécialiste des questions militaires et directrice de l’ONG « Contrôle citoyen » qui surveille les violations des droits humains, a été arrêtée le 9 février à l’aéroport de Caracas alors qu’elle s’apprêtait à quitter le Venezuela.

En compagnie de cinq membres de sa famille – sa fille, ses deux frères, son père et son ex-mari –, elle a été présentée devant un tribunal spécialisé dans les affaires de « terrorisme » et le parquet a demandé le placement en détention provisoire des ex-époux.

Mme San Miguel est poursuivie pour « trahison », « conspiration » et « terrorisme ». Son ex-mari José Gonzales De Canales Plaza, colonel de l’armée de l’air en retraite, est poursuivi pour « révélation de secrets politiques et militaires concernant la sécurité de la nation ».

Les quatre autres membres de la famille ont été placés en liberté surveillée. Aucun détail n’a été fourni concernant les poursuites dont ils font l’objet.

« Lors de cette audience, Rocio San Miguel n’a pas eu d’avocats en qui elle avait confiance pour garantir son droit à l’assistance juridique, dans le cadre de la procédure régulière établie par l’article 44 de la Constitution », a dénoncé l’équipe juridique de l’avocate dans un communiqué.

Sans nouvelles depuis son arrestation, les avocats avaient dénoncé « une disparition forcée ». Ils ont indiqué avoir appris uniquement mardi que Mme San Miguel était incarcérée à l’Hélicoïde, le centre de détention des services de renseignement vénézuéliens à Caracas.

L’avocate est accusée par les autorités d’être impliquée dans une conspiration présumée contre le président Nicolas Maduro. Elle aurait apporté son concours à un projet d’attaque d’une base militaire près de la frontière avec la Colombie, dans le but de saisir des armes et d’assassiner le président.

Son arrestation intervient alors que le gouvernement a annoncé avoir déjoué cinq complots, impliquant selon la justice des militaires, des journalistes et divers militants. Trente-six personnes ont été arrêtées.

« Plan coordonné »

Les États-Unis, comme l’Union européenne, se sont dits mardi « profondément préoccupés » par cette affaire.

La porte-parole du chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell, a demandé mardi sur X la libération de l’avocate comme l’avaient fait lundi 204 organisations de défense des droits de l’homme dans une déclaration commune dénonçant « le modèle systématique de disparitions forcées temporaires au Venezuela ».

John Kirby, un porte-parole de l’exécutif américain, a affirmé mardi lors d’une conférence de presse que « M. Maduro se doit de respecter les engagements qu’il a pris à l’automne dernier sur la façon de traiter la société civile, les activistes politiques ainsi que les partis d’opposition et même les Vénézuéliens qui voudraient se présenter à des élections ».

Le gouvernement Maduro et l’opposition ont conclu un accord en octobre à la Barbade pour l’organisation d’élections générales libres et transparentes en 2024, en présence d’observateurs internationaux.

En échange les États-Unis ont assoupli leurs sanctions, notamment l’embargo sur le pétrole.

Toutefois, la Cour suprême vénézuélienne, fidèle à M. Maduro, a récemment confirmé l’interdiction de se présenter aux élections de la cheffe de l’opposition, Maria Corina Machado, qui a remporté haut la main les primaires de son camp.

La mission d’enquête indépendante du bureau des droits de l’homme des Nations unies au Venezuela a dénoncé mardi une « vague de répression contre les opposants » qui s’intensifie dans le pays.

« Il ne s’agit pas d’incidents isolés, mais plutôt d’une série d’évènements qui semblent faire partie d’un plan coordonné visant à réduire au silence les critiques et les opposants présumés », a déclaré Marta Valinas, présidente de la mission, dans un communiqué.

Francisco Cox, membre de la mission d’enquête de l’ONU, a soutenu que « l’État vénézuélien a violé les droits de l’homme de dizaines de personnes en enquêtant sur des groupes de conspirateurs présumés ».

Le procureur général du Venezuela, Tarek William Saab, a dénoncé mardi « une campagne féroce menée depuis l’étranger contre la justice et l’État vénézuéliens ».

L’ONG Foro Penal estime qu’il y a 261 « prisonniers politiques » au Venezuela, dont 18 femmes et 146 soldats.