Des villages détruits. Des milliers de sinistrés. Et un bilan de 2000 morts qui risque de grimper. Frappé par l’un des plus violents séismes de son histoire, le Maroc a fait état samedi d’énormes dégâts dont il pourrait mettre des années à se remettre, estime la Croix-Rouge.

« Le monde criait, pleurait dans la rue. Le bâtiment voisin s’est effondré », raconte d’une voix ébranlée Stéphanie Morin, jointe à Marrakech.

Au lendemain du violent séisme, la jeune femme ne s’était pas encore remise de la catastrophe. De la poussière. Des pleurs d’enfants. De la panique ambiante.

Elle et sa copine se trouvaient dans leur chambre d’un hôtel situé au cœur de la vieille ville lorsque tout s’est mis à bouger, peu après 23 h, vendredi soir.

PHOTO FADEL SENNA, AGENCE FRANCE-PRESSE

Scène de destruction à Marrakech, dont la vieille ville a été particulièrement touchée par le séisme

« Il y a des gens qui criaient “Il y a une bombe !” On a ouvert la porte et il y avait de la poussière partout. On s’est dit : “Oh, mon Dieu, c’est un tremblement de terre.” Ça n’arrêtait pas de shaker », raconte-t-elle d’un débit rapide.

Le séisme aurait duré moins d’une minute ; elle a l’impression d’en avoir passé vingt, recroquevillée en boule, figée dans un état de peur totale. « Je ne réalise pas trop encore », souffle la jeune femme.

En fin de soirée samedi, le bilan officiel avait dépassé les 2000 morts et 1832 blessés, parmi lesquels plus du tiers se trouvaient dans un état critique.

Ce bilan provisoire est appelé à augmenter, les sauveteurs ayant du mal à accéder aux villages de montagne isolés les plus durement touchés.

Le séisme de magnitude 6,8 a été ressenti dans de nombreuses villes outre Marrakech, dont Rabat, Casablanca, Agadir et Essaouira, semant la panique parmi la population.

Le pays a décrété un deuil national de trois jours, à l’issue d’une réunion présidée par le roi Mohammed VI au sujet du tremblement de terre, le plus puissant à frapper le pays depuis 120 ans.

À Marrakech, la vieille ville, quartier historique couru des touristes, a été particulièrement endommagée par les secousses.

Que des façades

C’est seulement samedi matin, après une courte nuit de sommeil, que Stéphanie Morin a été en mesure de constater l’ampleur de la dévastation.

Dehors, le sol était recouvert de décombres de toutes sortes, rapporte-t-elle, des briques, des auvents en tôle, même des terrasses entières.

PHOTO FADEL SENNA, AGENCE FRANCE-PRESSE

Un homme transporte le corps d’une jeune victime à Moulay Brahim.

Par miracle, son hôtel a tenu le coup. Mais le bâtiment voisin s’est effondré. Comme de nombreux immeubles aux alentours.

Souvent, il ne restait que des façades, dissimulant les ruines de ce qui était naguère un commerce, une maison.

Aujourd’hui, il y a plein de gens qui montaient des tentes dans la rue, parce qu’ils avaient perdu leur maison.

Stéphanie Morin, jointe à Marrakech

La célèbre mosquée Koutoubia, construite au XIIsiècle, a aussi été endommagée, mais l’ampleur des dégâts n’était pas immédiatement connue.

L’épicentre du séisme se trouve près de la ville d’Ighil, dans la province d’Al Haouz, à environ 70 km au sud de Marrakech. Une réplique de magnitude 4,9 a été enregistrée moins de 20 minutes après la secousse initiale.

Les sauveteurs ont travaillé toute la nuit de vendredi à samedi, à la recherche de survivants dans l’obscurité, la poussière et les décombres.

L’armée marocaine a déployé des avions, des hélicoptères et des drones, tandis que les services d’urgence ont mobilisé les secouristes dans les zones touchées par les dégâts.

Un deuil déchirant

Les dommages ont été particulièrement importants dans les villages de montagne où les constructions sont généralement plus fragiles.

À 60 km au sud-ouest de Marrakech, le village de Tafeghaghte a été presque entièrement détruit par le tremblement de terre. Rares sont les bâtiments qui tiennent encore debout, alors que l’armée continuait samedi les recherches sous les décombres.

PHOTO FADEL SENNA, AGENCE FRANCE-PRESSE

Opération de sauvetage à Tafeghaghte, à quelques dizaines de kilomètres de Marrakech

Les villageois ont été nombreux à se rendre au cimetière pour enterrer quelque 70 dépouilles. Les rites funéraires ont été ponctués par des cris et des pleurs.

« Trois de mes petits-enfants et leur mère sont morts. Ils sont encore sous les débris. Il n’y a pas si longtemps, on jouait ensemble », a déploré Omar Benhanna, 72 ans, à l’Agence France-Presse.

Dans le village de Moulay Brahim, situé près de l’épicentre, un homme a perdu sa femme et ses quatre enfants. « J’ai tout perdu », a dit Lahcen d’une voix à peine audible.

Je n’y peux rien maintenant. Je veux juste m’éloigner du monde, faire mon deuil.

Lahcen, se confiant à l’Agence France-Presse

La Croix-Rouge internationale a alerté samedi sur l’importance des besoins à venir du Maroc, après le séisme meurtrier qui l’a frappé, évoquant « 24 à 48 heures critiques » et des besoins pour « des mois, voire des années ».

« Ce ne sera pas l’affaire d’une semaine ou deux comme notre région l’a vu avec le grand tremblement de terre de Turquie et de Syrie plus tôt cette année », a mis en garde Hossam Elsharkawi, directeur régional de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

Une nuit à l’extérieur

En vacances au Maroc, le conseiller municipal montréalais Serge Sasseville se trouvait dans la résidence d’une amie à quelques kilomètres de Marrakech le soir du séisme.

Sur le coup, on ne savait pas ce qui se passait. Le sol s’est carrément dérobé sous mes pieds.

Serge Sasseville, conseiller municipal montréalais en vacances au Maroc

« Les murs étaient fissurés. Il y avait un danger de réplique. On a décidé de rester à l’extérieur et on s’est étendus sur des chaises avec des couvertures », poursuit M. Sasseville.

De retour à Marrakech tôt samedi matin, il a observé « des centaines et des centaines de personnes qui essayaient de dormir, étendues ou assises sur des chaises, sur le trottoir, dans les parcs, dans les ronds-points ».

Les dommages étaient plutôt limités dans la nouvelle ville, où les constructions sont plus récentes et plus résistantes. Comme beaucoup, c’est là que s’est réfugiée Stéphanie Morin en attendant de pouvoir quitter le pays.

« Notre réaction a été de vouloir quitter le pays au plus vite, mais les vols étaient tous complets. Tout était booké », déplore la jeune femme, qui, par chance, avait déjà un billet pour un vol vers l’Espagne prévu mardi.

« J’ai quand même peur d’une autre réplique », dit-elle.

Le séisme a suscité un élan de solidarité dans le monde, de nombreux pays et organisations proposant leur aide à Rabat.

Samedi soir, les dirigeants des 27 pays membres de l’Union européenne ont cosigné une lettre au roi Mohammed VI, se disant « pleinement solidaires » et « prêts à aider de toutes les manières que vous jugerez utiles ».

Avec Alice Girard-Bossé, La Presse et l’Agence France-Presse