(Addis Abeba) Des soldats érythréens ont continué à violer et exécuter des civils au Tigré après la signature d’un accord ayant mis fin au conflit dans cette région du nord de l’Éthiopie, affirme Amnistie internationale (AI) dans un rapport publié mardi.

Le conflit dans le nord de l’Éthiopie, qui a opposé les autorités rebelles du Tigré au gouvernement fédéral éthiopien, épaulé par des milices des régions voisines de l’Amhara et l’Afar ainsi que par l’armée de l’Érythrée, a été marqué par d’innombrables atrocités imputables à l’ensemble des belligérants.

« Les forces de défense érythréennes (EDF) ont commis des crimes de guerre et peut-être des crimes contre l’humanité » au Tigré « juste avant et juste après la signature » le 2 novembre 2022 de l’accord mettant fin à deux ans de conflit, explique AI, se basant sur 49 entretiens réalisés par téléphone avec des survivants, proches de victimes ou témoins.

Le gouvernement érythréen a réagi mardi au rapport d’Amnistie, affirmant que ces allégations étaient « dénuées de substance ».

Selon l’ONG, autour de la localité de Kokob Tsibah, à environ 20 km de la frontière avec l’Érythrée, des militaires érythréens « ont retenu captives au moins 15 femmes durant près de trois mois dans leur camp », entre le 1er novembre 2022 et le 19 janvier 2023, date à laquelle les forces érythréennes ont quitté la zone.

« Durant leur captivité, ces femmes ont été violées de façon répétée par des membres des EDF, dans des conditions assimilables à de l’esclavage sexuel. Elles ont également subi des violences physiques et psychologiques et été privées de nourriture, d’eau et de soins », détaille AI.  

Les militaires érythréens à Kokob Tsibah « se sont aussi livrés à des viols collectifs et des viols sur des femmes retenues prisonnières dans leurs propres maisons ».

Amnistie affirme également que les forces érythréennes ont sommairement exécuté plus de 40 civils au total dans et autour des localités de Kobob Tsibah et de Mariam Shewito, à une centaine de km plus à l’ouest et à une soixantaine de km de la frontière érythréenne.

Des témoins, survivants et proches de victimes ont affirmé que les forces érythréennes avaient exécuté au moins 20 civils, principalement des hommes, à Mariam Shewito entre le 25 octobre et le 1er novembre 2022, et 24 civils à Kobob Tsibah entre novembre 2022 et janvier 2023.

Amnistie internationale dénonce « la résistance obstinée du gouvernement éthiopien aux enquêtes » régionales et internationales, qui fait « obstacle à ce que justice soit rendue pour les crimes et violations des droits humains commis par les forces érythréennes ».

La représentation de l’Érythrée aux Nations unies a accusé mardi Amnistie internationale de poursuivre de longue date « une campagne intensive d’hostilités » à l’égard du pays, et cherchait à détériorer ses relations avec l’Éthiopie.

« Les allégations d’Amnistie contre les forces armées disciplinées et éduquées de l’Érythrée sont dénuées de substance », a-t-elle affirmé dans un communiqué, accusant l’ONG de ne faire que citer les accusations « de tierces parties anonymes ».

Les autorités fédérales éthiopiennes affirment travailler à un mécanisme de « justice transitionnelle » prévu dans l’accord de paix, destiné à identifier et juger les responsables des multiples atrocités recensées au Tigré, mais aussi en Amhara et en Afar.

Dirigée d’une main de fer par Issaias Afeworki depuis son indépendance de fait de l’Éthiopie en 1991, l’Érythrée, État reconnu internationalement deux ans plus tard, est l’un des pays les plus fermés et répressifs au monde.