(Riyad) (Khartoum) Le dirigeant de facto du Soudan Abdel Fattah al-Burhane refuse de s’asseoir à la même table que son rival Mohammed Hamdane Daglo, a affirmé mardi un responsable soudanais après qu’un bloc régional a évoqué la possibilité d’une rencontre entre ces généraux en guerre.

Des combats font rage au Soudan depuis la mi-avril entre l’armée commandée par le général Abdel Fattah al-Burhane et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo, dit « Hemedti ».

Les efforts de médiation déployés jusqu’à présent pour mettre fin aux affrontements n’ont pas abouti, les nombreuses trêves n’ayant quasiment jamais été appliquées.

« Dans les circonstances actuelles, Burhane ne s’assoira pas à la même table que Hemedti », a déclaré à l’AFP un responsable gouvernemental soudanais sous couvert de l’anonymat.

Il faisait référence à la proposition de médiation de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (Igad), le bloc régional d’Afrique de l’Est.

Coordonner l’aide humanitaire

L’Arabie saoudite a annoncé mardi la tenue le 19 juin d’une conférence internationale pour coordonner l’aide humanitaire au Soudan, théâtre de combats meurtriers entre deux généraux rivaux depuis près de deux mois.

Participeront à cette conférence, aux côtés de l’Arabie saoudite, « le Qatar, l’Égypte, l’Allemagne, l’agence humanitaire de l’ONU (Ocha), l’Union européenne et l’agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR) », a indiqué dans un communiqué le ministère des Affaires étrangères de la riche monarchie du Golfe.  

Le lieu de la conférence n’a pas été précisé.

Pendant plusieurs semaines, l’Arabie saoudite et les États-Unis ont servi de médiateurs à des négociations dans le port saoudien de Jeddah, sur la mer Rouge, entre les deux camps qui s’affrontent depuis le 15 avril, en vue d’arriver à un cessez-le-feu.

Mais les nombreuses trêves annoncées n’ont été quasiment jamais respectées et l’aide humanitaire qui devait être acheminée grâce à ces mesures est donc arrivée au compte-gouttes.

Les combats opposent l’armée commandée par le général Abdel Fattah al-Burhane et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo.  

Concentrés essentiellement dans la capitale Khartoum et la vaste région du Darfour (ouest), ils ont fait depuis le 15 avril plus de 1800 morts, selon l’ONG Acled, et deux millions de déplacés, selon l’ONU.

Le chef de la mission de l’ONU au Soudan, Volker Perthes, s’est dit mardi « particulièrement alarmé » par la situation au Darfour où les violences pourraient constituer des « crimes contre l’humanité ».

Les ONG ne cessent de tirer la sonnette d’alarme sur la situation humanitaire qui se détériore dans ce pays d’Afrique de l’est, l’un des plus pauvres du monde.

Vendredi, le chef de la délégation du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) au Soudan, Alfonso Verdu Perez, a déploré que « seuls 20 % des établissements de santé fonctionnent encore à Khartoum ».

D’autres médiations ?

« Ces dernières semaines, nous avons réussi à livrer du matériel chirurgical à dix hôpitaux » de la capitale, « mais les besoins sont immenses et il reste encore beaucoup à faire », a-t-il ajouté, signalant de graves pénuries d’eau, d’électricité, de nourriture et de fournitures médicales.  

À la mi-mai, l’ONU avait estimé que « 25 millions de personnes », soit plus de la moitié des 45 millions d’habitants du Soudan, avaient besoin d’assistance.  

Pour leur venir en aide, elle devait réunir 2,6 milliards de dollars, et près de 500 millions de dollars pour ceux ayant fui dans les pays voisins.

La crise devrait s’aggraver avec l’approche de la saison des pluies, synonyme de recrudescence du paludisme, d’insécurité alimentaire et de malnutrition infantile.

Lors d’un sommet tenu à Djibouti lundi, l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) a de son côté annoncé que le Kenya allait présider un quatuor comprenant l’Éthiopie, la Somalie et le Soudan du Sud, pour tenter de résoudre le conflit.

« Dans les trois prochaines semaines, nous entamerons le processus d’un dialogue national inclusif », a déclaré le président kenyan William Ruto, ajoutant qu’un couloir humanitaire serait établi dans 15 jours pour faciliter l’acheminement de l’aide.

Mais le ministère soudanais des Affaires étrangères a exprimé mardi son opposition à la présidence kenyane de ce comité, exigeant le retour à sa tête du président sud-soudanais Salva Kiir.   

De leur côté, les États-Unis examinent avec « les Saoudiens, les Africains, les Arabes et d’autres partenaires » la suite à donner aux efforts de médiation et espèrent faire des recommandations d’ici la fin de la semaine, a indiqué mardi un haut responsable du département d’État.

« Nous estimons leur avoir offert toutes les occasions. Clairement, ils ne profitent pas du format qu’on leur a offert », a dit ce responsable sous couvert de l’anonymat, en faisant référence aux négociations de Jeddah.

« La question est de savoir ce que nous pouvons tirer de plus de Jeddah […] ou si nous ne devrions peut-être pas réduire la voilure et nous concentrer sur le volet humanitaire », a-t-il ajouté.