(Khartoum) Les États-Unis ont annoncé avoir évacué dimanche leur ambassade au Soudan, où les combats meurtriers entre armée régulière et paramilitaires font rage depuis plus d’une semaine.

« Aujourd’hui, à ma demande, l’armée des États-Unis a mené une opération pour extraire le personnel du gouvernement américain de Khartoum », a déclaré le président Joe Biden dans un communiqué publié tard samedi soir.

« Cette violence tragique au Soudan a déjà coûté la vie à des centaines de civils innocents. C’est insensé et cela doit cesser », a-t-il ajouté.

L’activité de l’ambassade est « temporairement suspendue », a annoncé le département d’État.

Plus tôt, les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), qui se battent contre l’armée régulière soudanaise, avaient affirmé avoir « coordonné » avec les États-Unis l’évacuation dimanche des diplomates américains et de leurs familles à bord de six avions.

Après une relative accalmie la nuit précédente, les combats ont repris samedi à Khartoum, privée en grande partie d’électricité et d’eau courante. Internet était quasiment inopérant dans l’ensemble du pays, selon l’organisation NetBlocks, qui observe l’accès au web à travers le monde. De fortes explosions ont secoué la capitale samedi dans la journée et des échanges de tirs ont été entendus dans différents quartiers, selon des témoignages rapportés à l’AFP.

Samedi, l’Arabie saoudite avait annoncé avoir évacué du Soudan plus de 150 personnes vers le port de Jeddah.

PHOTOS AKUOT CHOL ET ASHRAF SHAZLY, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Les généraux Abdel Fattah al-Burhane (à gauche) et Mohamed Hamdane Daglo

Cette évacuation a été effectuée par les forces navales du royaume avec le soutien d’autres branches de l’armée, a indiqué le ministère saoudien des Affaires étrangères dans un communiqué, annonçant « l’arrivée en toute sécurité » de 91 citoyens saoudiens et environ 66 ressortissants de 12 autres pays.

Il s’agit notamment du Koweït, du Qatar, des Émirats arabes unis, de l’Égypte, de la Tunisie, du Pakistan, de l’Inde, de la Bulgarie, du Bangladesh, des Philippines, du Canada et du Burkina Faso, selon le communiqué.

« Des diplomates et des responsables internationaux » faisaient partie des personnes secourues, selon la même source.

Des avions font demi-tour

Les ministres allemands de la Défense et des Affaires étrangères ont annoncé avoir tenu une réunion de crise samedi sur la faisabilité d’une évacuation, après que trois avions militaires se sont vus contraints de faire demi-tour mercredi, a rapporté le magazine allemand Der Spiegel.

Depuis plusieurs jours, les États-Unis, la Corée du Sud et le Japon ont déployé des forces dans les pays voisins, et l’Union européenne envisage de prendre de mesures similaires en vue d’évacuer leurs diplomates et ressortissants du Soudan.  

Les FSR ont par ailleurs « affirmé leur pleine coopération avec toutes les missions diplomatiques, en fournissant tous les moyens de protection nécessaires et en assurant leur retour en toute sécurité dans leurs pays ».

Les violences y ont éclaté le 15 avril entre l’armée du général Abdel Fattah al-Burhane, dirigeant de facto du Soudan depuis le putsch de 2021, et son adjoint devenu rival, le général Mohamed Hamdane Daglo, qui commande les Forces de soutien rapide (FSR), des paramilitaires redoutés.

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Cet édifice commercial de Khartoum a vu ses fenêtres éclater pendant les combats.

Vendredi, l’armée avait annoncé avoir « accepté un cessez-le-feu de trois jours » pour l’Aïd al-Fitr, qui marque la fin du mois sacré du jeûne musulman.

Mais l’armée et les FSR n’ont pas respecté leurs engagements de faire une pause. Le bilan encore très provisoire s’élève à 420 morts et 3700 blessés, selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).

Alors que les deux camps se livrent aussi à une bataille de communication, il est impossible de savoir qui contrôle les aéroports du pays et dans quel état ils se trouvent après avoir été le théâtre de violents combats depuis le premier jour du conflit.

Les deux généraux qui avaient pris le pouvoir lors du coup d’État de 2021 sont désormais engagés dans une lutte sans merci. Ils ont été incapables de s’accorder sur l’intégration des paramilitaires du général Daglo aux troupes régulières du général Burhane, après des semaines de négociations politiques sous égide internationale.  

« Situation catastrophique »

À Khartoum, ville de cinq millions d’habitants, de nombreux civils se sont aventurés à l’extérieur uniquement pour obtenir des denrées alimentaires d’urgence ou pour fuir la ville.  

PHOTO MARWAN ALI, ASSOCIATED PRESS

De la fumée s’élève de bâtiments lors d’affrontements entre les forces paramilitaires de soutien rapide et l’armée à Khartoum, le 22 avril.

La fin du mois de jeûne du ramadan se fête habituellement « avec des pâtisseries et des cadeaux pour les enfants », mais cette année, ce sont « des coups de feu et l’odeur de la mort », se lamente auprès de l’AFP Sami al-Nour, un habitant de Khartoum.

Les conditions de vie sont probablement pires au Darfour, où personne ne peut se rendre dans l’immédiat. Sur place, un docteur de Médecins sans frontières (MSF) évoque une « situation catastrophique ».

Au Soudan, troisième producteur d’or d’Afrique et pourtant l’un des pays les plus pauvres au monde, les services de santé sont à genoux depuis des décennies et un tiers des 45 millions d’habitants souffre de la faim.

L’arrêt des opérations de la plupart des humanitaires, après la mort d’au moins quatre d’entre eux depuis une semaine, va aggraver la situation. Et le conflit menace désormais de gagner du terrain au-delà des frontières du Soudan, selon des experts.