(Khartoum) Le général Abdel Fattah al-Burhane, à la tête du Soudan depuis son putsch, a assuré jeudi être « d’accord sur tous les points » avec le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed qu’il recevait au sujet de son mégabarrage sur le Nil.

Pour la première visite de M. Ahmed chez son voisin depuis août 2020, le général Burhane a assuré dans un communiqué que « le Soudan et l’Éthiopie sont d’accord sur tous les points sur le barrage de la Renaissance ».

M. Abiy, lui, n’a pas mentionné le Gerd dans les tweets résumant ses discussions à Khartoum.

Et Le Caire n’a pas fait de commentaire – pour l’instant – face à cette annonce soudanaise qui pourrait constituer un revers majeur pour l’Égypte concernant l’épineux dossier du Grand barrage de la renaissance (Gerd).

En entamant la construction de cet immense ouvrage sur le Nil-Bleu en 2011, Addis Abeba a suscité l’ire de l’Égypte, située en aval, qui craint pour son approvisionnement en eau.

PHOTO ASHRAF SHAZLY, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed et le général Abdel Fattah al-Burhane, à la tête du Soudan depuis le putsch.

Ces dernières années, la position de Khartoum a varié, se rapprochant parfois de celle du Caire et d’autres fois de l’Éthiopie.

Début 2022, Le Caire et Khartoum avaient cependant fait front commun, dénonçant à l’unisson un acte « unilatéral » alors que l’Éthiopie annonçait une troisième phase de remplissage des réservoirs du Gerd.

Contentieux pour l’eau et les terres

Le mégabarrage du Gerd a un objectif annoncé à terme de 13 turbines pour une production de 5000 MW. Depuis août, son réservoir contient 22 milliards de m3 d’eau sur les 74 milliards de sa pleine capacité.

Addis Abeba vante déjà le plus grand barrage hydroélectrique d’Afrique. Mais pour Le Caire, qui tire du Nil 97 % de ses besoins en eau, c’est une source de tension qui remet en question un accord conclu en 1959 avec Khartoum, mais sans l’Éthiopie, qui accorde 66 % du débit annuel du Nil à l’Égypte et en concède 22 % au Soudan.

Le premier ministre éthiopien a partagé jeudi des clichés le montrant souriant aux côtés des dirigeants soudanais alors que les relations entre les deux pays se tendent régulièrement autour de diverses questions.

Depuis 2020, la question des réfugiés fuyant le conflit au Tigré officiellement terminé depuis novembre a été un point de friction.

Régulièrement, les armées soudanaise et éthiopienne s’accusent d’exactions et d’incursions.

Les terres agricoles très fertiles d’Al-Fashaga sont aussi l’objet d’un contentieux depuis plusieurs décennies entre les deux pays, mais les accrochages parfois meurtriers s’y sont multipliés depuis fin 2020.

Les autorités soudanaises assurent que cette question a également été discutée jeudi – là aussi, sans que M. Ahmed ne le confirme.

Le général Burhane a argué que « les documents, les mécanismes techniques et le dialogue sont les principales références pour ce sujet », selon un communiqué officiel.

« Non-interventionnisme »

Le dirigeant soudanais a également évoqué le conflit au Tigré officiellement terminé depuis novembre après un accord signé entre Addis Abeba et les rebelles du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), mettant fin à deux ans de combats.

Ces violences avaient poussé des dizaines de milliers de personnes à trouver refuge au Soudan voisin.

Évoquant la situation politique soudanaise, dans l’impasse depuis le putsch d’octobre 2021, M. Abiy a dit avoir insisté auprès du général Burhane et de son numéro deux, le général Mohammed Hamdan Daglo, sur « le principe non interventionniste de l’Éthiopie ».

Il faut, a-t-il dit, « miser sur les capacités multiples du peuple soudanais pour affronter ses propres défis » et trouver « des solutions locales » pour sortir de la crise ayant suivi le putsch.

Le 5 décembre, civils et militaires soudanais ont signé un accord-cadre pour une sortie de crise, applaudi par l’ONU, l’Union africaine et plusieurs pays, mais qui reste très général et ne fixe que peu d’échéances.

L’objectif ultime est de rétablir un gouvernement civil, comme cela avait été instauré après la révolte qui poussa l’armée à démettre le dictateur Omar el-Béchir en 2019.

Les généraux et les forces civiles limogées lors du putsch ont accepté de signer, mais d’ex-groupes rebelles rejettent un accord « excluant ».

La rue, elle, manifeste régulièrement pour réclamer l’éviction pure et simple des militaires du pouvoir – et de toute négociation politique.