(Le Caire) Les autorités égyptiennes ont affirmé jeudi que le détenu politique égypto-britannique Alaa Abdel Fattah était en « bonne santé », sans convaincre sa famille qui le dit en danger de mort après sept mois de grève de la faim et continue de réclamer sa libération.

Faisant écho à d’autres pays occidentaux, les États-Unis dont le président Joe Biden doit rencontrer vendredi son homologue égyptien Abdel Fattah al-Sissi à la COP27 en Égypte, ont exprimé leur « profonde inquiétude » à propos d’Alaa Abdel Fattah et appelé à sa libération.

Depuis plusieurs jours, les proches du détenu disent redouter qu’il ne soit nourri de force après sept mois à n’avaler qu’un verre de thé et une cuillère de miel par jour avant de cesser de manger il y a une semaine puis de boire dimanche à l’ouverture de la COP27 à Charm el-Cheikh.

Dans un communiqué, le parquet égyptien a affirmé que « tous les signes vitaux » du blogueur prodémocratie « sont normaux » et qu’il n’a « pas besoin d’être transféré vers un hôpital ». Il a même été jusqu’à mettre « en doute » sa grève de la faim.

« Mensonge ! », a répondu sa sœur Mona Seif sur Facebook. « Ils vont dire qu’il n’est pas en grève de la faim, le remettre sur pied en secret pour qu’il ne meure pas entre leurs mains et ils ne laisseront personne le voir. »

Jeudi, quand la mère d’Alaa Abdel Fattah, Laila Soueif, s’est présentée pour la quatrième fois de la semaine devant sa prison à 100 kilomètres du Caire, elle a été éconduite par des officiers.

Ils lui ont annoncé que son fils subissait « un traitement médical » et que « le parquet en avait été informé ». Mais pas la famille ni ses avocats, accuse Mona Seif.  

Pour Hossam Bahgat, défenseur égyptien des droits humains, « cela veut dire qu’il est nourri de force ».

La famille avait entrevu un espoir quand le parquet avait convoqué le matin son avocat, Khaled Ali, pour lui délivrer un permis de visite. Mais ce dernier, daté de mercredi soir, a été refusé par la prison, d’après l’avocat.

« Libérez-les tous »

Plus tard Khaled Ali a exhorté M. Sissi à accorder « une grâce présidentielle à Alaa Abdel Fattah » et à d’autres détenus d’opinion. « Les autorités […] ne peuvent pas céder à la colère ou la vengeance. »

Interrompues durant des années, les grâces présidentielles ont repris en 2022. Plus de 750 détenus en ont bénéficié. Mais quasiment le double ont été arrêtés dans le même temps selon Amnistie internationale.

L’ONG Human Rights Watch a qualifié de « cruel, inhumain et dégradant » un traitement médical « imposé » au détenu.

Nourrir quelqu’un de force est considéré par le droit international comme de la « torture ».

Icône de la révolution de 2011 en Égypte qui chassa du pouvoir Hosni Moubarak – un mouvement populaire dénoncé par M. Sissi – Alaa Abdel Fattah, qui fêtera ses 41 ans le 18 novembre, a été arrêté fin 2019. Il a été condamné à cinq ans de prison pour diffusion de « fausses informations » après avoir reposté sur Facebook un texte, écrit par un autre, accusant un officier de torture.

Jeudi, des centaines de participants à la COP27 à Charm el-Cheikh habillés de blanc comme les prisonniers égyptiens, ont scandé « Libérez-les tous ! » en référence aux plus de 60 000 détenus politiques que compte l’Égypte selon des ONG.

PHOTO NARIMAN EL-MOFTY, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Des participants à la COP27 vêtus de chandails blancs scandaient « Libérez-les tous ! »

Appel à manifester ?

La question des prisonniers en Égypte, 135e sur 140 pays au classement mondial de l’État de droit du World Justice Project, est désormais incontournable à la COP27.  

Face à la mobilisation internationale pour la libération d’Alaa Abdel Fattah, la contre-campagne s’organise.

Un député a pris à partie Sanaa Seif, l’autre sœur d’Alaa Abdel Fattah, à la COP27 avant d’être expulsé par la sécurité de l’ONU. Un avocat a porté plainte contre elle pour « conspiration avec l’étranger » et « fausses informations ».

La représentation égyptienne à Genève a protesté auprès de l’ONU qui a dénoncé « procès inéquitables » et « arrestations arbitraires » en Égypte.

L’Égypte est par ailleurs plongée dans une grave crise économique. L’inflation dépasse les 16 % et la livre a perdu la moitié de sa valeur cette année.

De quoi alimenter la grogne sociale qui pourrait transformer en réalité une mystérieuse menace venue des réseaux sociaux : le mot-clé « Manifeste_le_11/11 ».

Personne n’a revendiqué cet appel, mais le déploiement policier a été renforcé et au moins 151 personnes ont été arrêtées ces dernières semaines selon Amnistie.