Avec les fermetures d’écoles et de centres d’activités, la pandémie a exacerbé la vulnérabilité des enfants et des adolescents un peu partout dans le monde. Dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne, cela s’est traduit par une hausse des grossesses chez les adolescentes.

« De nombreuses personnes qui ont des enfants lorsqu’elles sont jeunes sont considérées comme faibles, sans valeur, ne pouvant rien faire pour elles-mêmes. Je voulais parler à celles dans cette situation pour leur dire de ne pas laisser tomber l’école, de ne pas abandonner leurs rêves », dit Amu dans une vidéo mise en ligne.

La Sud-Africaine de 17 ans se définit comme une « survivante de la grossesse adolescente ». Elle s’adressait sur les réseaux sociaux à d’autres jeunes filles dans la même situation à la demande d’un organisme, LoveLife, en février dernier.

« Quand les écoles ont fermé, ça a voulu dire, pour des organismes de la société civile comme le nôtre, que toutes nos interventions qui avaient lieu à l’école ne pouvaient plus être faites », explique, de Pretoria, en Afrique du Sud, Marumo Sekgobela, responsable de la santé et de la nutrition pour Save the Children. « À cause de cela, la plupart de nos jeunes se sont retrouvés sans ressources sur la question de la santé reproductive. »

Hausse

Dans la province la plus populeuse d’Afrique du Sud, Gauteng, où se trouvent Johannesburg et Pretoria, le nombre de grossesses chez les filles de moins de 18 ans a augmenté de 60 % dans la première année de la pandémie, selon les données du département de santé local. Au Zimbabwe, le gouvernement a sonné l’alarme en août sur un « nombre inhabituellement élevé » de grossesses précoces (chez des mineures). Au Kenya, plus de 150 000 adolescentes sont tombées enceintes durant les trois mois d’un confinement, une augmentation de 40 %, selon un rapport de l’UNICEF.

« L’une des choses que nous avons réalisées, c’est que les jeunes apprennent sur la sexualité, la santé reproductive et leurs droits à l’école et dans les cliniques », dit M. Sekgobela.

Il y a un écart à l’intérieur de la maison quant au rôle des parents. Ils doivent apprendre à parler ouvertement de sexualité avec leurs enfants.

Marumo Sekgobela, responsable de la santé et de la nutrition pour Save the Children

Il est évident selon lui que les adolescents actifs sexuellement allaient continuer à l’être, confinement ou pas, mais sans les ressources nécessaires à la prévention de grossesses non désirées et des infections transmissibles sexuellement. Les problèmes d’approvisionnement ont aussi pesé dans la balance.

« Nous avons eu des ruptures de stock de contraceptifs », explique Lucy O’Connell, conseillère pour les populations clés d’Afrique australe pour Médecins sans frontières, établie au Cap. Et un grand nombre de cliniques mettaient toutes leurs ressources dans la lutte contre la COVID-19, ajoute-t-elle.

Pauvreté durable

Cette infirmière travaille avec les « populations clés », des groupes marginalisés comprenant les travailleurs du sexe et les personnes transgenres, notamment.

« La plupart des travailleuses du sexe que nous connaissons, parce qu’elles participent à nos programmes, ont commencé quand elles étaient des mères adolescentes, note Mme O’Connell. Parce qu’elles ont été rejetées de la maison, puisqu’il n’y avait pas d’argent pour elles et le bébé et parce qu’elles ont dû trouver de l’argent pour nourrir leur enfant. C’est le début d’une pauvreté durable. »

Des jeunes filles ont d’ailleurs commencé à offrir des services sexuels contre rétribution durant la pandémie de COVID-19 lorsque leurs parents ont perdu leur emploi, souligne-t-elle aussi.

Les jeunes filles abandonnent souvent l’école durant la grossesse. « Ça risque de pousser certains pays plus bas sous le seuil de la pauvreté », ajoute Mme O’Connell.

Pas mal de jeunes filles qui tombent enceintes ne peuvent pas nécessairement retourner à l’école, et ç’a aussi un impact sur leur avenir en ce qui concerne leur capacité à se trouver un travail, à se prendre en charge, mais aussi à prendre en charge leur jeune famille ; c’est un cercle vicieux dont il est difficile de sortir.

Christine Muhigana, représentante de l’UNICEF en Afrique du Sud, jointe à Pretoria

Christine Muhigana souligne que sur 23 000 mineures enceintes dans la province de Gauteng durant la première année de la pandémie, près de 1000 avaient moins de 14 ans.

Leur jeune âge peut mener à des complications médicales, rappelle-t-elle. Pour la jeune maman, mais aussi pour son bébé.

PHOTO MARCO LONGARI, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Il n’y a pas de données accessibles pour déterminer la part des victimes de viols parmi les mineures tombées enceintes durant la pandémie.

Il n’y a pas de données accessibles pour déterminer la part des victimes de viols parmi les mineures enceintes.

Les spécialistes du milieu estiment toutefois que de nombreuses filles ont dû tomber entre les mains de prédateurs.

« Le fait que les jeunes filles étaient enfermées chez elles ou dans la communauté les exposait beaucoup plus que quand, pendant toute une journée, elles pouvaient être à l’école ou occupées à une occupation sûre, dit Mme Muhigana. Elles étaient en fait à la merci de violences, malheureusement souvent domestiques, et qui se sont traduites par des grossesses d’adolescentes. »