(Tunis) La police tunisienne a fermé lundi le siège du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), une mesure jugée « illégale » par son président, deux jours après sa dissolution sur une décision du chef de l’État Kais Saied.

« Des forces de la police ont empêché lundi tout accès au siège du CSM », a déclaré à l’AFP Youssef Bouzakher, le président de cet organe de supervision judiciaire.

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Le président tunisien Kais Saied a annoncé dans une vidéo la dissolution du Conseil supérieur de la magistrature, qu’il accuse de partialité, de corruption et d’avoir notamment ralenti les enquêtes sur les assassinats en 2013 de deux militants de gauche.

Selon des journalistes de l’AFP sur place, le siège du CSM était encerclé lundi matin par une force policière.

« Nous ne savons pas qui a pris cette décision illégale, mais la police déployée a dit appliquer des instructions », a ajouté M. Bouzakher.  

« Cette fermeture illégale et sans aucun motif juridique prouve que nous avons atteint une étape dangereuse où le pouvoir exécutif s’empare des institutions de l’État et de la magistrature en utilisant la force », a-t-il déploré.

Mettant en garde contre « un danger contre la magistrature, les droits et les libertés », M. Bouzakher a assuré que le CSM « continuera à exercer ses fonctions ».

Le président Saied, qui s’est arrogé les pleins pouvoirs en juillet, a annoncé la dissolution du CSM, organe qu’il accuse de partialité, dans la nuit de samedi à dimanche.

« En décidant de dissoudre le CSM le président Saied démontre sa détermination à supprimer la dernière ligne de défense de son pouvoir d’un seul homme en Tunisie : le pouvoir judiciaire », a indiqué la Commission internationale de juristes (CIJ) dans un communiqué publié lundi.

Pour cette organisation la communauté internationale « ne doit pas fermer les yeux sur cette dernière atteinte à l’État de droit et doit exhorter le président au retour à l’ordre constitutionnel en Tunisie ».

Le CSM, instance indépendante créée en 2016 pour nommer les juges, est composé de 45 magistrats, pour les deux tiers élus par le Parlement et qui désignent eux-mêmes le tiers restant.

M. Saied a assuré lundi qu’il n’avait aucune intention d’interférer dans le fonctionnement de la justice après la dissolution du CSM.

« Je voudrais rassurer tout le monde en Tunisie et à l’étranger que je m’ingérerai pas dans le travail de la justice et que j’ai recouru à cette dissolution seulement parce qu’elle était devenue nécessaire », a-t-il dit en recevant la première ministre Najla Bouden, selon une vidéo de la rencontre diffusée par la présidence.

« Je n’interviendrai dans aucune affaire ou nomination », a-t-il ajouté, affirmant que le CSM avait été instrumentalisé par certains « à des fins personnelles ou politiques ».

L’Union européenne s’est dite lundi « préoccupée » par la décision du président Saied de dissoudre le (CSM) et a insisté sur « l’importance de l’indépendance judiciaire ».