(Addis Abeba) Des soldats érythréens ont ouvert le feu sur des civils dans la région éthiopienne du Tigré en guerre, blessant 19 personnes, a-t-on appris mardi de sources concordantes.

L’incident a eu lieu tôt lundi dans la ville d’Adwa, selon des médecins et des témoins.

« […] Nous avons entendu des tirs et nous avons immédiatement été appelés à l’hôpital », a déclaré à l’AFP un médecin d’Adwa.

« Quand nous sommes arrivés, il y avait 19 patients. Dix d’entre eux étaient gravement blessés, quatre avaient des blessures modérées et cinq avaient des blessures légères » a indiqué cette source, s’exprimant sous couvert d’anonymat par crainte de représailles.

Les tirs ont visé des civils qui faisaient la queue dans une banque et d’autres qui se rendaient à pied au travail, a indiqué un témoin.

« Lors des précédentes tueries, les soldats érythréens débarquaient des véhicules et attaquaient les civils. Mais cette fois, ils ont arrosé les civils de balles depuis leurs véhicules alors qu’ils traversaient la route principale d’Adwa », a précisé ce même témoin, s’exprimant également sous couvert d’anonymat.

Interrogés par l’AFP, des habitants d’Adwa ont expliqué que les Érythréens étaient facilement identifiables par leurs uniformes et leur accent.

L’organisation humanitaire Médecins sans frontières (MSF) a indiqué mardi sur Twitter que 18 blessés étaient arrivés à l’hôpital d’Adwa et que 11 patients « gravement blessés » avaient été transférés vers l’ouest, dans la ville d’Axum.

« Les patients blessés disent que des soldats ont ouvert le feu sur eux près de la gare routière d’Adwa », a déclaré MSF, qui n’a pas précisé la nationalité des soldats incriminés, mais s’est dit « préoccupé par la violence en cours dans le Tigré ».  

Sollicité par l’AFP, le ministre érythréen de l’Information n’avait pas répondu à une demande de commentaire mardi soir. Le gouvernement a précédemment démenti les informations selon lesquelles les Érythréens auraient commis des abus contre des civils, notamment des massacres et des viols.

Ce dernier incident intervient plus de deux semaines après que le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a annoncé que le début de l’évacuation de la région par les troupes érythréennes.

Début novembre 2020, Abiy Ahmed avait annoncé l’envoi de l’armée fédérale au Tigré pour arrêter et désarmer les dirigeants du TPLF (Front de libération du peuple du Tigré), dont les forces sont accusées par Addis Abeba d’avoir mené des attaques contre des camps militaires des forces fédérales. Le TPLF, alors parti au pouvoir dans cette région, a dominé la politique nationale en Éthiopie pendant près de trois décennies.

L’armée éthiopienne a reçu l’appui de forces venues d’Érythrée, pays frontalier du Tigré au nord, et de la région éthiopienne de l’Amhara, qui borde le Tigré au sud, et M. Abiy a proclamé la victoire le 28 novembre, après la prise de la capitale régionale Mekele.

Addis-Abeba et Asmara ont longtemps nié la participation active des Érythréens à la guerre, contredisant ainsi les témoignages des habitants, des groupes de défense des droits, des travailleurs humanitaires, des diplomates et même de certains responsables civils et militaires éthiopiens. Abiy a finalement reconnu leur présence en mars, alors qu’il s’adressait aux législateurs.

On ignore combien de soldats érythréens se trouvent dans la région et si certains sont effectivement partis ces dernières semaines.