L'ONG Human Rights Watch a dénoncé jeudi de «nombreux» viols commis au Kenya, notamment par les forces de sécurité, durant un feuilleton électoral de près de quatre mois émaillé de violences et marqué par l'invalidation en justice d'un scrutin présidentiel.

«Environ la moitié des femmes interrogées ont dit avoir été violées par des policiers ou des hommes en uniforme», a indiqué HRW dans un rapport, précisant avoir mené des entretiens avec 65 femmes, trois mineures et trois hommes ayant subi des agressions sexuelles de diverses natures.

«D'autres survivants disent avoir été violés par des civils», a assuré HRW, soulignant que le but de son rapport n'est pas d'établir une liste exhaustive des cas de violences sexuelles, mais d'illustrer cette triste tendance par quelques exemples documentés en détail.

La moitié des viols recensés dans ce rapport sont des viols collectifs, a ajouté l'ONG, selon laquelle «de nombreuses attaques ont été accompagnées d'actes de torture et de violences physiques, alors que certains assaillants ont soumis leurs victimes par des menaces verbales ou en pointant vers elles leurs fusils ou leurs couteaux».

«Les assaillants ont également violenté les enfants ou les époux des femmes durant certaines attaques», a précisé la même source, soulignant que «les récentes élections kényanes ont été marquées par des violences et de graves violations des droits de l'homme, surtout dans des bastions de l'opposition», dans l'ouest du pays, dans les bidonvilles de Nairobi et sur la côte kényane.

Dans son rapport, l'ONG dénonce de manière plus générale le comportement de la police durant la longue période électorale kényane, notamment «l'usage excessif de la force contre des manifestants, les meurtres, passages à tabac et membres coupés d'individus, ainsi que le pillage et la destruction de biens».

Le chef de la police kényane Joseph Boinnet a réagi en qualifiant les accusations de viols de «tissu de mensonges».

Au moins 58 personnes ont été tuées entre le 8 août et fin novembre dans les violences ayant accompagné le processus électoral, en grande majorité dans la répression de manifestations de l'opposition par la police, selon un comptage de l'AFP.

HRW a regretté jeudi l'impunité dont bénéficient les forces de police et le refus de nombreux agents d'enregistrer les plaintes contre leurs collègues.

Regrettant que de très nombreuses violations des droits de l'Homme par la police lors des violences ayant suivi la présidentielle de 2007 (1100 morts) soient restées impunies, HRW a appelé le gouvernement à enquêter sérieusement, cette fois-ci, sur les crimes commis par ses forces de l'ordre.

Le Kenya est sorti extrêmement polarisé du dernier processus électoral présidentiel, qui lui a rappelé ses profondes divisions ethniques, géographiques et sociales et a notamment été marqué par l'invalidation en justice de la réélection du président Uhuru Kenyatta à l'élection du 8 août.

L'opposant Raila Odinga a ensuite boycotté le nouveau scrutin, organisé le 26 octobre et dont M. Kenyatta est sorti vainqueur avec 98 % des voix. Une victoire toutefois ternie par la faible participation (39 %), principalement en raison du boycottage de l'opposition.