L'ancien chef de guerre ougandais Dominic Ongwen était «le fer de lance» de la sanguinaire rébellion de l'Armée de résistance du Seigneur (LRA), a assuré jeudi un procureur de la CPI, en présentant aux juges 70 chefs d'accusations de crimes de guerre et crimes contre l'humanité.

Une vidéo montrant des huttes brûlées dans un village du nord de l'Ouganda, des morts enterrés à la hâte et des corps d'enfants abandonnés, recouverts de mouches : le procureur Benjamin Gumpert espère convaincre les juges d'ouvrir un procès contre Dominic Ongwen, environ 40 ans.

Surnommé la «Fourmi Blanche» (il s'agit de la traduction de son nom), Dominic Ongwen était un des commandants les plus redoutés de l'Armée de résistance du Seigneur (LRA) menée par Joseph Kony, rendue mondialement célèbre par la campagne «Kony 2012».

Selon l'ONU, la LRA a tué plus de 100 000 personnes et enlevé plus de 60 000 enfants d'abord dans le nord de l'Ouganda, puis au gré de son exil dans les pays voisins.

«Pendant plus d'une décennie, Dominic Ongwen était un des commandants les plus importants de la LRA», a assuré le procureur Gumpert, soulignant que le suspect «était le fer de lance» de la rébellion.

Selon l'accusation, M. Ongwen «porte une responsabilité criminelle significative» pour des attaques «terrifiantes» dans le nord du pays, où les civils étaient considérés comme des ennemis.

«La philosophie était : si vous n'êtes pas avec nous, vous êtes contre nous», a-t-il ajouté. Des témoins ont également assuré à l'accusation que M. Ongwen avait ordonné à ses soldats, au moins une fois, de «tuer, cuisiner et manger les civils».

Enfant-soldat

La LRA était une armée «organisée», a assuré aux juges un autre procureur, Julian Elderfield : ses chefs communiquaient via des radios sophistiquées, utilisant des codes et surnoms pour leurs informations sensibles.

M. Ongwen, ex-enfant soldat, doit répondre de 70 chefs d'accusation, dont esclavage sexuel, meurtre et enrôlement d'enfants-soldats.

Dix de ces accusations n'ont pas été dévoilées, «par sécurité», a rappelé le juge Cuno Tarfusser, tandis que l'accusé répondait que la lecture des chefs d'accusation était «une perte de temps».

Pendant cette semaine, l'accusation se concentrera particulièrement sur quatre attaques contre des camps de réfugiés fuyant la violence de la LRA et durant lesquelles elle affirme que plus de 130 personnes ont été tuées, dont des enfants.

Créée en 1987 avec l'objectif de renverser le président ougandais Yoweri Museveni pour le remplacer par un régime fondé sur les Dix commandements, la LRA s'est forgé une effroyable réputation au fil de ses exactions en Ouganda, au sud du Soudan, dans le nord-est de la République démocratique du Congo et en Centrafrique.

De nombreuses victimes ont eu les lèvres, le nez et les oreilles coupées.

Les audiences sont retransmises à plusieurs endroits en Ouganda, notamment dans certains villages qui avaient été détruits à l'époque, selon la CPI.

Prophète autoproclamé, Joseph Kony a mélangé mystique religieuse, techniques éprouvées de guérilla et brutalité sanguinaire. En dépit de sa jeunesse, Dominic Ongwen a très vite été repéré pour sa loyauté dans le crime, son courage au combat et ses qualités de tacticien.

Mais certains groupes de défense des droits de l'homme estiment que Dominic Ongwen est à l'origine lui-même une victime : il a été enlevé pour devenir enfant-soldat alors qu'il rentrait de l'école. Selon lui, il avait alors 14 ans.

Des victimes de la LRA ont raconté les rites initiatiques brutaux de la milice, des enrôlés de force contraints de mordre et matraquer parents et amis à mort, de boire du sang. Il est probable qu'Ongwen ait lui-même dû en passer par là.

En costume gris et chemise mauve clair, Dominic Ongwen écoute les procédures de manière attentive. Il avait été transféré à La Haye après sa reddition en janvier 2015 en Centrafrique auprès des forces spéciales américaines.

Son passé d'enfant-soldat n'est pourtant pas une excuse pour les crimes commis, assure l'accusation. Il s'agit, tout au plus, de «circonstances atténuantes».