Le miracle n'aura donc pas eu lieu: malgré les fortes pressions internationales et les mises en garde du président américain Barack Obama, les derniers pourparlers pour mettre un terme à la sanglante guerre civile au Soudan du Sud ont échoué avant même d'avoir véritablement commencé.

Le camp gouvernemental a annoncé vendredi avoir suspendu sa participation aux négociations de la dernière chance débutées le 6 août dans la capitale éthiopienne Addis Abeba.

«Nous suspendons notre participation aux négociations en attendant que les deux factions rebelles trouvent une solution à leur différend», a déclaré à la presse le gouverneur Louis Lobong, à l'issue d'une réunion des gouverneurs des 10 États du pays avec le président Salva Kiir.

En début de semaine, plusieurs chefs rebelles, dont Peter Gadet, chef de guerre frappé début juillet par des sanctions de l'ONU, avaient annoncé faire scission de la rébellion dirigée par l'ancien vice-président Riek Machar et qui combat depuis fin 2013 les forces du président Salva Kiir.

«Nous ne sommes même pas sûrs de qui est en charge de négocier [pour la rébellion], si c'est Riek Machar, ou Peter Gadet. Nous avons besoin d'attendre pour voir à qui nous parlons», a affirmé le gouverneur Lobong, pour justifier ce retrait du camp gouvernemental.

La guerre civile au Soudan du Sud a débuté en décembre 2013, dans la capitale Juba, lorsque Salva Kiir, un Dinka, a accusé son vice-président nuer Riek Machar, tout juste limogé, de fomenter un coup d'État. Les violences, à forte connotation ethnique, ont fait depuis lors des dizaines de milliers de morts, avec de terribles atrocités contre les civils, et déplacé plus de deux millions de personnes, dans un pays déjà accablé par la pauvreté.

Après la signature de sept cessez-le-feu, aussi vite violés qu'ils avaient été signés, ces dernières discussions sous supervision des médiateurs régionaux de l'organisation intergouvernementale est-africaine (IGAD) apparaissaient comme la plus sérieuse opportunité pour les belligérants de mettre fin au conflit qui ensanglante le plus jeune pays du monde, dont l'indépendance avait été célébrée dans l'enthousiasme en juillet 2011.

«Une indépendance prématurée»

L'IGAD avait reçu cette fois le soutien de poids du président Obama, lors de sa récente visite en Éthiopie, et avait donné jusqu'au 17 août pour trouver un accord.

«S'ils ratent cet objectif, alors je pense qu'il nous faudra préparer un autre plan et reconnaître que ces dirigeants sont incapables de créer la paix qui est requise», avait prévenu le président américain, en référence à la date butoir du 17 août, préparant manifestement le terrain à une série de sanctions contre les deux camps, comme un embargo sur les armes, des interdictions de voyager et le gel d'avoirs à l'étranger.

Les États-Unis ont joué un rôle crucial dans l'accession à l'indépendance du Soudan du Sud, et ont été critiqués pour leur inaction face au conflit en cours et les horreurs commises par les deux camps.

«Manifestement, ils ne négocient pas sérieusement. S'il n'y a pas d'accord le 17 août, il y aura de très sérieuses conséquences», a promis un diplomate à Addis Abeba, exprimant son incompréhension devant l'indifférence «de ces responsables face aux souffrances de leur peuple». Attendus avant ce week-end à Addis, Kiir et son rival Machar n'ont finalement même pas fait le déplacement.

Ces interminables négociations dans de luxueux hôtels d'Addis Abeba contrastent avec les souffrances endurées par les 12 millions de Sud-Soudanais. De même, à Nairobi, au Kenya voisin, beaucoup de ces responsables sud-soudanais s'affichent régulièrement en 4X4 rutilants et montres en or, une vision saisissante au regard du dénuement de leur peuple.

«Cela fait quatre mois qu'on les menace de sanctions, vous ne croyez pas qu'ils ont eu tout le temps de se préparer et de cacher leur argent?», a commenté Berouk Mesfin, chercheur à l'ISS (Institut des études stratégiques).

«Je n'ai pas rencontré un seul leader sud-soudanais qui a une vision pour son pays sur le long terme. Leur donner l'indépendance était prématuré. Ils ne sont pas prêts à gouverner ce vaste pays sous-développé et ils sont incapables de trouver la paix», a fustigé M. Mesfin.

Après plus d'un mois de blocus de l'aide humanitaire vers les zones rebelles, l'armée gouvernementale a finalement levé ces restrictions vendredi, autorisant de nouveau les barges chargées d'aide à remonter le Nil blanc vers l'Etat du haut Nil, selon l'ONU.

Les rebelles avaient dénoncer une tentative «d'affamer le peuple» avec cette «nouvelle arme de guerre», alors que le pays connait une grave crise humanitaire, avec des régions entières menacées par la famine et près de 170 000 civils forcés de trouver refuge autour des bases des Casques bleus de l'ONU.