Le président Paul Kagame a accusé mardi la BBC de «négation du génocide» des Tutsi après la diffusion d'un documentaire controversé sur les massacres de 1994 au Rwanda, très critique à l'égard de l'actuel chef de l'État rwandais.

Le documentaire, diffusé début octobre avait déjà suscité les virulentes critiques d'une trentaine d'universitaires, experts et diplomates qui ont adressé une lettre aux responsables du service public audiovisuel britannique accusant la BBC d'être «dangereusement irresponsable» et de «promouvoir la négation du génocide» rwandais.

Mardi devant le Parlement rwandais, le président Kagame a accusé la BBC d'avoir «choisi de salir les Rwandais, de les déshumaniser et de nier le génocide. Ils étaient pourtant là quand ça s'est passé. Ils l'ont fait parce que nous sommes Africains et Rwandais».

«Ils ne peuvent pas faire un tel documentaire sur la Bosnie ou l'Holocauste, mais sur les Africains et les Rwandais ils le font et ils appellent ça la liberté d'expression», a poursuivi le président rwandais.

«La liberté d'expression dont ils parlent est la même qui a permis à la Radio Mille Collines d'appeler les gens à tuer» les Tutsi en 1994, a-t-il ajouté, en référence à la radio des extrémistes hutus qui relaya les appels aux massacres durant le génocide.

Selon la BBC, le documentaire - intitulé L'Histoire jamais contée du Rwanda - «remet en cause la version officielle de l'un des plus horribles événements de la fin du XXe siècle», notamment le rôle prêté à M. Kagame, à la tête de la rébellion du Front patriotique rwandais (FPR), dans la fin du génocide.

La chaîne de télévision estime que le documentaire apporte une «contribution de valeur» à la compréhension d'un sujet difficile.

«La BBC réfute l'idée qu'une quelconque part de ce programme constitue une «négation du génocide contre les Tutsis»», a déclaré une porte-parole de la BBC, mettant en avant les témoignages dans l'émission du directeur du musée du Génocide à Murambi, un Tutsi qui a survécu aux massacres et d'un génocidaire Hutu condamné, qui a décrit son rôle dans la mort de milliers de Tutsi.

La porte-parole a toutefois refusé de «commenter spécifiquement les critiques du président Kagame».

Selon l'ONU, environ 800 000 personnes, majoritairement issues de la minorité tutsi, ont été tuées durant les 100 jours que dura le génocide entre avril et juillet 1994.

Le documentaire de la BBC multiplie les critiques contre le président Kagame, crédité de la remise sur pied de son pays, exsangue au sortir des massacres, mais également pointé du doigt par les défenseurs des droits de l'homme qui dénoncent le caractère autoritaire et peu démocratique de son régime.

Il relaie notamment les accusations d'anciens proches de M. Kagame désormais en exil qui l'accusent d'avoir ordonné le tir sur l'avion du président hutu de l'époque, Juvénal Habyarimana, considéré comme l'élément déclencheur du génocide, néanmoins préparé de longue date par les extrémistes hutus.

Selon M. Kagame, la BBC a interrogé «tous les révisionnistes et les principaux génocidaires» pour son documentaire.

Dans leur lettre, le groupe d'experts, d'universitaires et de diplomates demande à la BBC de s'excuser auprès des victimes, l'accusant de «relayer trois accusations intenables : de mentir sur la vraie nature de la milice du Hutu Power (un des bras armés des massacres), de tenter de minimiser le nombre de Tutsi assassinés et d'accuser le FPR d'avoir abattu l'avion du président Habyarimana».