Entre 28 et 39 personnes selon les bilans ont été tuées et des dizaines très grièvement blessées vendredi à l'aube dans l'attaque d'un village de la région de la rivière Tana, dans le sud-est du Kenya, où des tueries tribales avaient déjà fait plus de 100 morts en août et septembre.

«Le nombre total de personnes tuées dans ces attaques est de 28», a déclaré à l'AFP Antony Kamitu, chef des GSU, les forces spéciales de la police déployées dans la zone depuis les tueries de l'été entre tribus rivales Orma et Pokomo.

«Dix-neuf des tués sont des membres de l'une des communautés, alors que neuf autres sont des assaillants de l'autre communauté, abattus durant les affrontements», a-t-il ajouté, sans préciser à quelle communauté appartenait le village visé.

Un policier déployé sur le terrain a de son côté rapporté sous le couvert de l'anonymat à l'AFP que la police avait «retrouvé 39 corps, ceux de 13 enfants, six femmes et onze hommes» habitant Kipao, le village attaqué, ainsi que ceux de neuf assaillants.

Selon ce policier, le village de Kipao était peuplé d'Orma et les assaillants tués sont tous Pokomo.

La Croix-Rouge kényane a de son côté fait état de 30 morts, dont dix assaillants, plus de 30 blessés dans un état critique et plus de 45 maisons incendiées. Les 20 villageois tués sont cinq enfants, cinq femmes et dix hommes, selon la Croix-Rouge.

Selon M. Kamitu, les assaillants ont attaqué Kipao vendredi vers 3 h du matin (19 h jeudi à Montréal) et sont revenus à la charge après s'être initialement repliés.

Entre mi-août et mi-septembre, plus de 100 personnes avaient été tuées au cours d'une succession d'attaques de villages et d'opérations de représailles entre communautés orma - essentiellement des éleveurs - et pokomo - majoritairement agriculteurs -, toutes deux installées le long de la rivière Tana, une région rurale et isolée.

Kipao est situé dans la zone reculée de Tarassa, à environ 400 km au sud-est de Nairobi, une zone où, mi-août, au moins 52 villageois orma avaient été tués à coups de machettes ou brûlés vifs par des Pokomo qui avaient attaqué plusieurs hameaux.

Selon un des policiers interrogés par l'AFP, les tensions entre les communautés orma et pokomo avaient ressurgi ces derniers jours sur fond d'opération de désarmement consécutive aux tueries de l'été.

«Il y a eu des tensions ces deux derniers jours, à propos d'un ordre fait aux communautés de rendre leurs armes, certains avaient le sentiment que le gouvernement était plus tolérant d'un côté» que de l'autre, a expliqué ce policier.

Les rivalités sont ancestrales et parfois sanglantes autour des pâturages ou des points d'eau entre Orma et Pokomo. Mais les observateurs et les habitants de la région estiment que les violences de l'été, inédites par leur ampleur et leur intensité, n'avaient rien à voir avec les anciens différends.

Des témoins avaient fait état d'attaques de villages méthodiquement organisées, menés par des miliciens entraînés, pour certains étrangers à la région et visant femmes et enfants.

La police, totalement débordée, avait été incapable de faire cesser les violences et une dizaine de policiers avaient même été tués. Il avait fallu le déploiement d'un millier d'hommes des GSU pour ramener le calme.

Les buts exacts des récentes violences sont peu clairs, mais pourraient s'expliquer par l'approche des élections générales de 2013, le redécoupage électoral et la démographie ayant modifié les rapports de force politico-ethniques dans la zone.

Le 4 mars, outre un successeur au chef de l'État Mwai Kibaki - qui ne se représente pas - et de nouveaux députés, les Kényans éliront pour la première fois des sénateurs, des gouverneurs et certains responsables locaux.

Un vice-ministre kényan, député de la région, avait été inculpé en septembre d'incitation à ces violences et limogé.