Julius Malema a comparu mercredi devant la justice sud-africaine qui l'a inculpé dans une affaire de marchés publics truqués dans sa province du Limpopo (nord), mais le jeune tribun populiste a contre-attaqué en dénonçant un complot du président Jacob Zuma pour se débarrasser d'un agitateur gênant.

Renvoyé de l'ANC au pouvoir pour indiscipline, « Juju », 31 ans, s'est vu signifier les charges pesant contre lui par le tribunal de Polokwane, chef-lieu du Limpopo où il soupçonné d'avoir tiré profit de ses amitiés politiques à la tête de la province.

« L'accusé comparaît devant la cour pour blanchiment d'argent et pour avoir bénéficié de revenus provenant d'activités illégales », a déclaré le représentant du parquet à l'audience, dont le prévenu est ressorti libre.

L'affaire porte sur l'équivalent de plusieurs millions d'euros de fonds publics soupçonnés d'avoir atterri via une pyramide de sociétés dans la poche de Julius Malema, déchu en avril de la présidence de la Ligue de jeunesse de l'ANC qu'il dirigeait depuis quatre ans.

Le juge a fait droit à la demande de ses avocats de le laisser en liberté contre une caution de seulement 10 000 rands (1193 $) et a renvoyé l'affaire au 30 novembre. La peine maximum encourue est de 15 ans de prison et une importante amende.

La prochaine audience aura lieu moins d'un mois avant un grand congrès de l'ANC au cours duquel M. Zuma, cible préférée de Julius Malema, briguera un deuxième mandat à la tête du parti, ce qui garantirait à terme sa réélection à la présidence.

À sa sortie du tribunal, M. Malema, condamné plusieurs fois pour ses dérapages verbaux, s'est largement répandu en insultes contre M. Zuma, le traitant d'« illettré » et d'« ignorant ».

Quant aux faits reprochés, il a assuré qu'il se tenait « prêt à répondre à toutes les questions » de la justice devant un millier de partisans qui étaient venus l'acclamer et le soutenir près du tribunal de Polokwane.

« Certaines personnes ont décidé de conspirer contre moi et lancé des poursuites. Ils cherchent des preuves contre moi, c'est Jacob Zuma qui les envoie », a-t-il lancé, en ajoutant : « Même un pistolet braqué ne peut pas m'intimider ».

Privé de l'appareil de l'ANC, M. Malema a conservé un pouvoir de nuisance, attirant les médias partout où il passe par ses provocations à répétition et ses attaques incessantes contre les ratés de l'Afrique du Sud post-apartheid.

Les graves troubles sociaux qui secouent le secteur économique clé des mines depuis août lui ont fourni une nouvelle occasion d'encourager les plus pauvres à se dresser contre un système qui n'a pas mis fin à leurs difficultés économiques 18 ans après la fin du régime raciste en 1994.

Peu après la fusillade policière qui a fait 34 morts parmi les grévistes de la mine de platine de Marikana le 16 août, le jeune tribun a entrepris de faire la tournée des mines pour appeler à la révolution, à la démission de M. Zuma et à étendre la grève.

Si le conflit est résolu à Marikana, le géant Anglo American n'a toujours pas obtenu la reprise du travail dans ses mines de platine, et la grève pour les salaires s'est étendue dans plusieurs mines d'or.

Pour comparaître, Malema avait troqué son habituel T-shirt et béret contre un costume noir et une cravate rouge, portée sur une chemise blanche. Il s'est d'abord rendu au commissariat de police pour se plier au mandat d'arrêt émis contre lui vendredi dernier.

Dans la foule, un de ses partisans, Given Mathye, critiquait une affaire montée de toutes pièces.

« Ce qui se passe n'a rien à avoir avec un délit, c'est un complot politique », a-t-il dit. « Nous savons bien qu'ils veulent lui barrer la route à cause du congrès de décembre et que nous voulons un changement de direction » à l'ANC.

Le train de vie de M. Malema a suscité des interrogations bien avant sa disgrâce.

En 2011, la journaliste irlandaise Fiona Forde suggérait dans un livre qui lui est consacré que Malema avait fait un modèle de république bananière de sa province natale.