Inquiet des conséquences économiques des troubles dans le secteur minier, le gouvernement sud-africain a annoncé vendredi de fermes mesures de maintien de l'ordre dans la région de Rustenburg (nord), où les compagnies minières ferment les puits de platine les uns après les autres.    

« Ceux qui procéderont à des rassemblements illégaux, porteront des armes dangereuses, se livreront à la provocation ou menaceront de violence dans les zones concernées seront traités comme il se doit », a déclaré le ministre de la Justice Jeff Radebe, appelant explicitement les forces de l'ordre à procéder à l'arrestation des contrevenants.

Elles devront cependant marcher sur des oeufs, la police ayant abattu 34 manifestants le 16 août à la mine de Marikana.

Le secteur minier est perturbé depuis cinq semaines par des troubles sociaux. Poumon économique du pays avec 19 % du PIB en incluant les activités annexes, il contribue aussi pour la moitié aux exportations sud-africaines.

Dans l'après-midi, l'australien Aquarius Platinum, quatrième producteur mondial de platine, a annoncé la suspension jusqu'à dimanche soir de l'activité de sa mine de Kroondal.

Mercredi, le numéro un mondial du platine, Amplats (filiale du géant basé à Londres Anglo American), avait suspendu la production sur cinq de ses mines, tandis que le site de Lonmin, à Marikana, est de facto paralysé depuis la mi-août.

La décision d'Aquarius Platinum a été annoncée après qu'un cortège de mineurs en grève eut fait irruption sur un site de la société et sommé la direction de stopper immédiatement l'activité.

La police a utilisé des gaz lacrymogènes et procédé à sept arrestations.

La Bourse a salué la décision d'Aquarius, l'action ayant pris 18,7 % à Londres, tandis qu'Anglo American prenait 9 %. Le platine s'est parallèlement hissé à 1715,12 $ l'once, au plus haut depuis six mois.

Les deux groupes ont salué le discours de fermeté du gouvernement sud-africain.

Des grévistes ont parallèlement annoncé qu'ils allaient désormais se cacher. « Nous craignons pour notre vie, nous sommes quelque part dans un endroit secret. Les flics nous cherchent », a indiqué Gaddaffi Ndoda, l'un des leaders du mouvement chez Amplats, à l'agence Sapa.

À Pretoria, le ministre des Finances Pravin Gordhan a mis en garde contre les conséquences de ces troubles pour l'économie nationale.

« Si cette instabilité continue et que la production reste à l'arrêt, d'abord nous aurons un coût en terme de croissance », a-t-il dit.

« La poursuite de la violence mine la confiance dans l'économie sud-africaine, et si nous minons la confiance, nous minons l'investissement », a-t-il poursuivi, avant d'ajouter que l'emploi serait également menacé à terme.

Les troubles dans la ceinture de platine de Rustenburg ont débuté avec les événements de la mine de Marikana, exploitée par le britannique Lonmin, qui ont fait 45 morts en un mois.

Vendredi, les grévistes de Lonmin ont refusé une proposition d'augmentation mise pour la première fois sur la table par leur employeur.

Lonmin avait présenté son offre jeudi soir à l'issue d'un énième round de négociations. Pour les mineurs au plus bas de l'échelon, l'augmentation proposée se monterait à 986 rands, portant les salaires à 5500 rands mensuels (687 $). Très loin de la revendication de 12 500 rands (1526 $) réclamés depuis le 10 août.

Les mineurs se plaignent d'être sous-payés pour un travail éminemment pénible et de vivre dans des conditions de logement misérables, sans eau, ni électricité.

Ils refusent aujourd'hui de céder au nom de la mémoire des grévistes tués en août.

Le conflit s'est étendu ces derniers jours aux salariés d'Amplats et à une mine d'or du groupe Gold Fields près de Johannesburg. Les grévistes réclament « 12 500 rands ou rien », et même 16 000 rands (1886 $) chez Amplats.

Avec Aquarius, ce sont maintenant des mines qui ont fourni plus de 20 % de la production mondiale de platine l'an dernier qui sont paralysées.

Interrogé par l'AFP sur le danger de contagion à d'autres mines, Frans Baleni, le secrétaire général du Syndicat national des mineurs sud-africains (NUM, allié du pouvoir), est resté évasif : « C'est imprévisible, ça (la crise) peut s'étendre, sauf si réellement cette histoire de maintien de l'ordre peut être vraiment efficace. »