Le président soudanais Omar el-Béchir a averti jeudi que son pays ne se soumettrait ni à l'ONU ni à l'Union africaine, compromettant davantage l'application d'une résolution enjoignant à Khartoum et Juba de cesser leurs hostilités.

«Nous appliquerons ce que nous voulons. Personne ne peut nous imposer ce que nous ne voulons pas, ni le Conseil de sécurité de l'ONU, ni le Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine», a déclaré M. Béchir dans un discours à Khartoum, réagissant pour la première fois à la résolution du 2 mai.

Dans ce texte qui soutenait une initiative de l'Union africaine, le Conseil de sécurité de l'ONU avait exhorté les deux voisins soudanais à cesser leurs combats à la frontière sous peine de sanctions et à entamer des discussions d'ici au 16 mai.

Alors que des combats ont été rapportés mercredi le long de la frontière contestée, le Soudan du Sud s'est, lui, dit «prêt à discuter à tout moment». «Si nous n'appliquons pas et ne nous conformons pas à la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU, le conflit pourrait dégénérer», a déclaré jeudi le ministre sud-soudanais du cabinet de la présidence, Deng Alor.

«Personne n'est intéressé par la guerre. Trouvons une solution pacifiquement à nos problèmes et évitons un conflit armé, car, voyez-vous, on en a eu assez comme ça», a poursuivi le ministre, interrogé par des journalistes.

La résolution de l'ONU avait également exhorté les deux Soudans, nés de la partition du pays en juillet 2011, à établir une «zone démilitarisée sécurisée» à la frontière. Et les deux voisins avaient jusqu'au 9 mai pour éloigner leurs militaires de 10 km de la frontière.

À l'expiration du délai mercredi, le Soudan du Sud a affirmé avoir retiré ses hommes de la frontière, mais le Soudan a jugé qu'un accord sur la frontière était nécessaire avant tout retrait.

Un analyste international, s'exprimant sous couvert de l'anonymat, a estimé qu'il était «logique» de chercher à délimiter les frontières avant de possibles négociations, mais que c'était dans le même temps «très, très dangereux».

M. Béchir s'exprimait devant un millier d'ouvriers du secteur de l'industrie pétrolière pour marquer la «libération» le mois dernier de la zone pétrolifère de Heglig, à la frontière, qui était passée pendant dix jours sous le contrôle des troupes sud-soudanaises.

Cet épisode avait encore aggravé les tensions entre les deux voisins qu'une guerre civile a opposés entre 1983 et 2005, faisant près de 2 millions de morts.

Les deux Soudans s'étaient d'abord engagés à appliquer la résolution de l'ONU, tout en prévenant qu'il pourrait y avoir «quelques difficultés» dans sa mise en oeuvre.

Dans son texte, l'ONU, qui avait qualifié la situation soudanaise de «grave menace pour la paix et la sécurité internationales», avait donné jusqu'au 4 mai aux protagonistes pour cesser leurs combats, et trois mois pour résoudre leurs différends.

Mais mercredi, l'armée soudanaise a annoncé avoir attaqué des troupes sudistes, les repoussant hors de deux secteurs dans l'État du Darfour-Sud, au Soudan, à la frontière avec l'État du Bahr el-Ghazal occidental, au Soudan du Sud.

Le Sud avait confirmé l'incident, la première violation recensée du cessez-le-feu.

L'armée sud-soudanaise avait accusé le même jour le Soudan d'avoir de nouveau bombardé les États du Haut-Nil, de l'Unité et du Bahr el-Ghazal occidental, sur son territoire.

Il n'était cependant pas possible d'obtenir une confirmation indépendante de ces bombardements, que le Soudan a toujours récusés.

Dans son discours jeudi, M. Béchir a par ailleurs accusé le gouvernement du Sud d'avoir parlé de renverser son régime. Si tel est leur but, a-t-il mis en garde, le Soudan cherchera lui aussi à faire tomber le pouvoir à Juba.

«Et s'ils soutiennent les rebelles, nous soutiendrons les rebelles», a-t-il ajouté.

Dans sa résolution, l'ONU demande justement aux deux parties de cesser d'appuyer des groupes rebelles et d'engager des discussions sur les questions en suspens depuis la partition, notamment la délimitation de la frontière commune, le partage des revenus pétroliers et le statut de zones contestées.

Mais là encore, le président Béchir a averti que si les dossiers relatifs à la sécurité n'étaient pas d'abord réglés, le Soudan «ne négocierait sur aucun sujet».