Les attaques coordonnées vendredi contre les symboles du pouvoir à Kano, la capitale du nord nigérian musulman, ont fait 185 morts dans l'assaut le plus meurtrier mené jusqu'à ce jour par le groupe islamiste Boko Haram auquel cinq kamikazes ont participé.

Ces attaques conduites après la prière du soir ont visé un quartier général de la police, des commissariats, ainsi qu'un immeuble de la police secrète et des bureaux de l'immigration.

«Les chiffres dont nous disposons indiquent que 29 policiers, 3 officiers SSS (des services secrets), deux officiers de l'immigration et un total de 150 civils ont été tués par les extrémistes», a déclaré lundi le chef de la police Ibrahim Idris dans un communiqué. Il a ensuite ajouté qu'un officier des douanes était décédé, portant à 185 le nombre des morts.

Le chef de la police a souligné que cinq kamikazes figuraient parmi les assaillants, indiquant ue la police a également découvert «dix différents types de véhicules (...) chargés d'explosifs artisanaux, dans différents endroits» de Kano et 300 explosifs artisanaux.

Vendredi soir, plusieurs bombes avaient explosé et des affrontements à l'arme à feu avaient eu lieu pendant plusieurs heures lors de ces attaques qui ont secoué Kano, seconde ville du Nigeria avec 4,5 millions d'habitants.

Selon des témoins, plusieurs assaillants portaient des uniformes de la police, ajoutant davantage de confusion lors des attaques.

«J'ai vu quelqu'un portant un uniforme de policier avec un fusil d'assault AK 47», a expliqué le commissaire Wellington Asiayei.

Il venait d'entendre une explosion quand il a vu un homme lui disant: +Venez Monsieur, allons au quartier général, quelque chose est en train de se produire+ puis, explique-t-il, «je l'ai vu pointer son arme sur moi». Touché à la colonne vertébrale, il ne marchera plus jamais.

Un porte-parole du groupe islamiste Boko Haram a revendiqué ces attaques dans un journal, expliquant que le groupe avait agi en représailles après le refus du gouvernement de libérer plusieurs de ses membres emprisonnés.

Le président nigérian Goodluck Jonathan s'est rendu sur place dimanche et a promis que la sécurité allait être «renforcée» dans la ville ainsi que dans d'autres parties du pays, affirmant que plusieurs suspects ont été arrêtés.

«Protégez vos voisins!»

Kano a été frappé au terme d'une interminable série d'attaques contre des chrétiens dans le nord majoritairement musulman du pays, après de meurtriers attentats du même genre perpétrés le 25 décembre près d'Abuja et qui avaient fait 49 morts.

«Ne lancez pas de représailles, ne cédez pas à la vengeance, protégez vos voisins!», a imploré à ce propos l'écrivain Wole Soyinka lors d'un rassemblement lundi à Lagos.

«Nous ne devons pas accepter d'être soumis au bon vouloir de Boko Haram (...) Ils veulent vous entraîner dans une spirale infernale où chaque voisin se retournera contre son voisin», a-t-il mis en garde, critiquant violemment le «système présidentiel» en vigueur au Nigeria.

Le président Jonathan est confronté à la pire crise qu'il ait connue depuis son accession au pouvoir en avril. Les violences font en effet craindre jusqu'à une guerre civile dans le pays le plus peuplé d'Afrique et premier producteur de pétrole du continent, également touché par un fort mécontentement social.

Toujours à Kano, responsables politiques et dignitaires musulmans locaux se sont rassemblés pour prier en faveur de la paix.

Pour le sultan de Sokoto Sa'ad Abubakar, figure de l'islam national, les violences à Kano «sont peut-être les pires en termes de pertes de vie et de biens».

Le Nigeria est divisé entre un Nord essentiellement musulman et un Sud à majorité chrétienne.

Le président Jonathan a promis que les personnes soutenant Boko Haram seraient traduites en justice. Selon lui, des membres du groupe ont infiltré les instances de gouvernement, des agences de sécurité (police et armée) jusqu'au parlement et à l'exécutif.