Après avoir boycotté le second tour de l'élection présidentielle au Liberia, l'opposant Winston Tubman s'est dit vendredi prêt à travailler, «pour l'unité du pays», avec la présidente réélue Ellen Johnson Sirleaf, qui a nommé Leymah Gbowee, avec qui elle partage le Nobel de la paix, chef d'un projet pour la réconciliation.

«J'ai décidé de mettre en place une initiative pour la paix et la réconciliation nationale pour lancer le dialogue. (...) Je suis heureuse d'annoncer que notre lauréate du prix Nobel de la paix Leymah Gbowee a accepté de diriger» ce programme, a déclaré Mme Sirleaf dans un message à la Nation diffusé par les médias publics, sans annoncer de calendrier.

Mme Gbowee, 39 ans, et Mme Sirleaf, 73 ans, ont été distinguées par le comité Nobel en même temps que la Yéménite Tawakkol Karman, quatre jours avant le premier tour de la présidentielle du 11 octobre. Le Nobel de Mme Sirleaf avait été critiqué par ses opposants, qui l'ont jugé non mérité, en évoquant son bref soutien financier à l'ex-chef de guerre devenu président Charles Taylor.

Plus tôt vendredi, M. Tubman qui avait boycotté le second tour de la présidentielle du 8 novembre -laissant Mme Sirleaf seule en lice- s'était posé en défenseur de la paix et de la réconciliation dans un entretien à l'AFP et à Radio France Internationale (RFI) à Monrovia.

«Puisque Mme Sirleaf va maintenant prétendre être présidente et est reconnue par la communauté internationale, nous devons trouver un moyen de travailler avec elle, et je pense que cela n'est pas insurmontable», a déclaré l'opposant, qui s'était retiré de la course et avait affirmé avant le vote qu'il ne reconnaîtrait pas le gouvernement issu du second tour en raison de fraudes probables.

Selon les résultats de près de 87% des bureaux de vote communiqués jeudi soir par la Commission électorale nationale (NEC), Mme Sirleaf a obtenu 90,8% des voix au scrutin marqué par une faible participation (37,4%) par rapport au 1er tour du 11 octobre (plus de 71%). En dépit de son retrait, M. Tubman a eu 9,2% des suffrages.

Peu avant la publication de ces résultats, Mme Sirleaf, première présidente élue d'Afrique en 2005, avait tendu la main à ses opposants, souhaitant pouvoir former un gouvernement d'union.

Winston Tubman a indiqué que son parti, le Congrès pour le changement démocratique (CDC), n'en sera pas car il «n'est pas à vendre» et ne reconnaît toujours pas les résultats du second tour.

«L'ambition profonde d'unir le pays»

Toutefois, le CDC est «prêt à panser les plaies de notre pays et à unir notre pays» après des guerres civiles qui ont fait 250 000 morts, détruit les infrastructures et ruiné l'économie du Liberia de 1989 à 2003, a-t-il précisé.

«Nous nous sommes engagés dans la politique parce que nous avons l'ambition profonde d'unir le pays, cela doit continuer», a-t-il dit, affirmant avoir entrepris de convaincre les jeunes de son parti, déterminés à contester le pouvoir de Mme Sirleaf, que «la paix est la chose la plus importante pour le Liberia».

À la veille du second tour, la police anti-émeute avait tiré à balles réelles sur des pro-Tubman rassemblés devant le siège du CDC pour soutenir sa décision de se retirer de la course. Au moins deux personnes ont été tuées selon des témoins, huit selon le parti.

Jeudi, Ellen Johnson Sirleaf s'était dite «attristée» par ces morts et avait annoncé la mise en place d'une «commission d'enquête indépendante» pour situer les responsabilités de chacun dans ces évènements.

Ces violences pré-électorales, qui ont suscité des craintes de reprise de troubles dans le pays, ainsi que l'appel de l'opposition à boycotter les urnes, ont contribué au faible taux de participation au second tour, ont estimé en les regrettant plusieurs observateurs internationaux, dont ceux du Centre Carter et de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CÉDÉAO), 15 pays).

Tous ont toutefois conclu à un scrutin libre, transparent et démocratique.

L'attitude conciliante de M. Tubman et la main tendue de Mme Sirleaf pour le dialogue contribuent à réduire la tension au Liberia. Pour autant, la présidente n'aura pas la tâche facile pour son second quinquennat, dans un pays sorti divisé du scrutin, où elle apparaît moins appréciée qu'à l'étranger et dont la majorité des quatre millions d'habitants vivent dans l'extrême pauvreté.