Debout sur un banc, l'homme s'adresse à la foule qui a passé la nuit dehors, dans une caserne de la police à Kano où elle a fui les violences qui ont ensanglanté le Nord du Nigeria après la présidentielle du 16 avril: «Le Nigeria est uni et le restera», clame-t-il.

Bien qu'il promette de l'aide, il ne récolte que des sifflets. «Plus de Nigeria uni !», crient les gens à l'adresse du chef de l'Agence nationale chargée des opérations urgentes, Mohammed Sani Sidi.

Ce n'est pas tant que les déplacés soient partisans d'une partition du pays le plus peuplé d'Afrique, divisé entre un Nord majoritairement musulman et un Sud à dominante chrétienne, et où les communautés s'affrontent régulièrement de façon meurtrière, mais ils en ont surtout assez des slogans après avoir vu leurs maisons incendiées et avoir été poursuivis par des foules armées de machettes.

Selon la Croix-Rouge, quelque 60 000 personnes ont fui les émeutes dans la moitié nord du pays, provoquées par la victoire du président sortant Goodluck Jonathan, un chrétien du Sud, loin devant son principal rival, le général Muhammadu Buhari, un musulman du Nord.

Les violences depuis dimanche soir ont fait plus de 200 morts, selon une ONG, mais les autorités se refusent à donner un bilan de crainte de provoquer des représailles.

Le calme est largement revenu jeudi grâce au déploiement de l'armée et à l'instauration de couvre-feux. Mais cela n'a pas suffi à convaincre de nombreux réfugiés de rentrer chez eux, d'autant que de nouvelles élections, des gouverneurs et des assemblées des 36 Etats de la Fédération, sont prévues la semaine prochaine.

Rien que dans une caserne de la police de Kano, quelque 10 000 déplacés ont trouvé un abri précaire. Là, ils dorment le plus souvent sans matelas, manquant d'eau potable et de toilettes. Beaucoup, dont des femmes et des enfants, ne se sont pas lavés depuis plusieurs jours.

Ils ont reçu la visite du chef de l'Agence nationale des opérations urgentes mais les secours, la nourriture notamment, ne sont pas encore arrivés.

Enoch Uzor, un tailleur de 37 ans, ne cache pas sa frustration après avoir écouté le discours de M. Sani Sidi. «Nous en avons assez de ces tueries et destructions incessantes», dit-il.

«Le gouvernement ne cesse pas de nous dire de regagner notre domicile, que tout est calme. Mais nous ne rentrerons pas tant que nous ne serons pas certains que notre vie et nos biens sont en sécurité», dit-il.

«D'ailleurs, beaucoup d'entre nous n'ont plus de domicile car nos maisons ont été brûlées et nos sources de revenus détruites. Où pourrions-nous aller, même si nous voulions rentrer ?», demande-t-il.

A Kano, les foules en colère ont pris pour cibles des chrétiens dont les maisons ont été brûlées et certaines victimes ont été frappées à coups de machettes. Des représailles ont suivi contre des musulmans.

Dans une autre caserne, où logent un millier de déplacés, une étudiante, Ngozi Phillip, raconte que les émeutiers ont escaladé la clôture de son université, pénétré dans le dortoir et frappé des élèves.

«Je me suis précipitée dehors. Je ne me sens en sécurité qu'ici. Je ne veux pas rentrer tant que je ne suis pas sûre de ne pas être attaquée de nouveau», dit-elle.