(Port-Soudan) Un an après le début de la guerre au Soudan, les habitants d’el-Facher, l’ONU et les États-Unis mettent en garde contre les affrontements dévastateurs dans ce hub humanitaire du Darfour.

Depuis le début de la guerre, le 15 avril 2023, entre l’armée du général Abdel Fattah al-Burhane et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), sous le commandement du général Mohamed Hamdane Daglo, violences sexuelles, ethniques et terres brûlées ont repris au Darfour (ouest).  

Cette vaste région avait déjà été meurtrie par une guerre civile aux centaines de milliers de victimes déclenchée en 2003.  

El-Facher, capitale de l’État du Darfour-Nord, est la seule des cinq États du Darfour à ne pas être aux mains des FSR. Elle avait jusque-là été relativement épargnée par la guerre en cours.  

Mais le calme n’a été que de courte durée. Dimanche, « des affrontements ont lieu dans les campagnes à l’ouest de la ville », a raconté à l’AFP une militante des droits humains ayant requis l’anonymat.  

« Tout le monde est terrifié », a-t-elle ajouté, faisant état de « frappes aériennes ».   

Samedi, c’est le « comité de résistance » local, un des groupes de quartier qui organisent l’entraide dans le pays, qui a accusé une milice alliée des paramilitaires d’avoir incendié six villages à l’ouest d’el-Facher.

Au moins dix civils ont été tués dans ces attaques, selon un autre groupe de militants pro-démocratie.   

Le patron de l’ONU Antonio Guterres s’est dit samedi « profondément inquiet » face à des rapports indiquant « l’imminence d’une attaque sur el-Facher ».   

Une attaque qui aurait selon lui des conséquences « dévastatrices pour les civils de cette ville » qui a servi de « hub humanitaire permettant à l’ONU de distribuer son assistance vitale » au Darfour.  

Cette région abrite un quart des 48 millions de Soudanais, dont beaucoup gardent en mémoire les atrocités dont elle a été le théâtre dans les années 2000. Au cœur de la lutte de pouvoir entre généraux, le Darfour a replongé dans l’horreur.  

« Escalade du conflit »

À El-Geneina, capitale du Darfour-Ouest, 10 000 à 15 000 personnes, soit 5 % de la population, ont été tuées durant les neuf premiers mois de la guerre, selon l’ONU.

Pillages, combats, frappes aériennes et routes coupées par les belligérants ont achevé d’isoler cette région au bord de la famine.  

En 2003, les Janjawids – les miliciens arabes depuis enrôlés dans les FSR – menaient la politique de la terre brûlée pour le président déchu Omar el-Béchir.  

L’année d’après, les États-Unis ont qualifié les atrocités commises au Darfour de « génocide ».

Aujourd’hui, les paramilitaires contrôlent quatre des cinq capitales de cette région, plongeant ses habitants dans une spirale de violences incontrôlable.  

L’ambassadrice des États-Unis auprès de l’ONU, Linda Thomas-Greenfield, s’est dit samedi « gravement préoccupée par les informations faisant état d’une escalade du conflit » à el-Facher, mettant en garde contre « une catastrophe humanitaire ».

Cette recrudescence des violences a poussé un nombre accru de personnes à fuir leurs villages, selon les témoignages d’habitants.

À el-Facher même, « on pouvait entendre le bruit des affrontements », a raconté samedi à l’AFP Adam, un militant local ayant demandé à être identifié par son seul prénom.

Depuis le début du conflit, 80 000 personnes y ont trouvé refuge, « dans des écoles surpeuplées ou à même la rue », d’après l’ONU.     

L’année dernière déjà, la relative paix qui y régnait avait un temps vacillé, avant que des groupes armés locaux ne parviennent à négocier une trêve, qualifiée de « fragile statu quo » par l’ONU.  

À l’époque, les FSR « se sont abstenues d’attaquer après des négociations informelles avec les mouvements armés darfouris », d’après un rapport d’experts de l’ONU.  

Groupes armés

Mais les deux plus puissants d’entre eux, dirigés par Minni Miwani, gouverneur du Darfour, et Gibril Ibrahim, ministre des Finances, se sont départis de leur neutralité pour combattre aux côtés de l’armée.   

Les deux hommes, bien qu’alliés du chef de l’armée, s’étaient jusqu’alors tenus éloignés des combats.  

Jeudi, c’est conjointement qu’ils ont accusé le patron des FSR d’avoir « pris avantage des positions de neutralité et de défense de leurs forces ».  

« Il ne peut plus y avoir de neutralité », ont-ils déclaré dans un communiqué, s’engageant à « combattre avec leurs alliés, les patriotes et les forces armées, contre les milices FSR et les supplétifs à leur solde ».  

Ces dernières semaines, les attaques jusqu’alors périodiques se sont intensifiées, de même que les combats entre soldats et paramilitaires.    

Début avril, des avions de chasse de l’armée ont mené « des bombardements » ayant touché « des zones civiles et tué des dizaines de civils », selon l’émissaire américain pour le Soudan, Tom Perriello.  

La guerre au Soudan a fait des milliers de morts et provoqué le déplacement de plus de 8,5 millions de personnes, selon l’ONU. Elle a aussi largement détruit les infrastructures déjà précaires du pays.

Les deux camps ont été accusés de bombardements aveugles sur des zones civiles et d’obstruction au passage de l’aide humanitaire.