Aux cris de «Le coeur des Coptes est en feu» ou «Le sang des Coptes n'est pas bon marché», des centaines de jeunes chrétiens d'Alexandrie ont affronté les forces de l'ordre samedi, après l'attentat meurtrier qui a visé une église de la deuxième ville d'Égypte.

Sourds aux appels au calme des évêques et des officiels, les manifestants répartis en petits groupes ont lancé tout au long de la journée des pierres et des bouteilles sur les forces antiémeutes déployées autour de l'église des Saints (al-Qiddissine), dans le quartier de Sidi Bechr, dans l'est d'Alexandrie.

Les policiers, appuyés par une camionnette blindée envoyée en renfort pour sillonner les ruelles voisines, répondaient par des tirs de grenades lacrymogènes et de balles en caoutchouc.

«O Moubarak, le coeur des Coptes est en feu», scandaient des manifestants en référence au président égyptien Hosni Moubarak qui a, dans une allocution télévisée, condamné un «acte criminel odieux» portant selon lui la marque de «mains étrangères».

Dans un communiqué, les évêques d'Alexandrie ont estimé que cet attentat perpétré dans la nuit, et qui a fait 21 morts et 79 blessés, «constituait une escalade dangereuse dans les incidents confessionnels anti-Coptes».

Mais toute la journée, ils ont tenté de dissuader les jeunes de s'en prendre aux forces de l'ordre, conseillant, toujours selon le communiqué, de «s'en remettre à la justice divine».

Le gouverneur d'Alexandrie, Adel Labib, a cherché lui aussi à faire baisser la tension en affirmant que la protection des églises allait être renforcée, et que les familles des personnes tuées allaient recevoir 15 000 livres (2600 dollars environ) chacune.

Mais il est difficile de convaincre de nombreux chrétiens, qui ont le sentiment d'être des citoyens de seconde zone dans un pays dont ils représentent de 6 à 10% de la population.

«Les musulmans se disent en colère parce que les Israéliens attaquent les Palestiniens et les empêchent de prier à la mosquée d'Al-Aqsa (à Jérusalem). Pourquoi ne sont-ils pas en colère quand nous sommes attaqués simplement parce que nous prions dans nos églises?», s'indigne Marianne Guirguis, 32 ans.

Jeannette Georges s'élève quant à elle contre la lenteur du procès des meurtriers de six Coptes en janvier 2010, à la sortie d'une messe à Nagaa Hamadi, en Haute-Égypte, dont le verdict est attendu un an après, le 16 janvier.

«Pourquoi n'ont-ils pas encore été jugés, alors que cette affaire remonte à un an? Si des Coptes avaient attaqué des musulmans, cela aurait-il pris autant de temps?» se demande-t-elle.

D'autres ont des griefs plus politiques, comme Ishaq Habib, qui estime que le gouvernement «veut casser les Coptes» parce qu'«ils n'aiment pas Gamal Moubarak», le fils du président actuel, souvent présenté comme son successeur.

Le pouvoir égyptien se présente régulièrement comme le garant des droits des minorités religieuses face au risque que présente selon lui l'organisation des Frères musulmans, puissante en Égypte.

M. Moubarak a attribué le mois dernier sept sièges de députés -sur les dix qu'il a le droit de nommer directement- à des Coptes, afin de compenser quelque peu leur très faible représentation à l'Assemblée -trois sièges sur 508- à l'issue des dernières élections législatives.

Les Coptes déplorent la perpétuation de dispositions officielles ou de pratiques officieuses discriminatoires à leur encontre, comme les entraves administratives à la construction d'églises, ou les difficultés d'accès à la haute fonction publique.