L'opposant islamiste soudanais Hassan al-Tourabi, libéré mercredi soir après 45 jours de détention, affirme ne pas savoir les raisons de son arrestation et de sa libération, le jour même de l'anniversaire du coup d'Etat du président Béchir dont il était le mentor.

«C'est la première fois que je ne m'attendais pas à être arrêté. Bien sûr, je suis toujours contre la dictature et je sais que si je fais une déclaration forte, ils peuvent m'arrêter. Mais j'étais surpris parce que la campagne électorale était terminée et le gouvernement veut se donner l'image qu'il est élu», affirme M. Tourabi lors d'un entretien avec l'AFP dans sa résidence du quartier Manshia de Khartoum.

Ancien mentor du général Omar Hassan el-Béchir, Hassan al-Tourabi est devenu l'un de ses adversaires les plus virulents après avoir été écarté du pouvoir en 1999.

Portant un turban et une courte barbe blanche, cet homme de 78 ans volontiers volubile, a plusieurs fois été arrêté ces dernières années, sans jamais cesser ses critiques acerbes contre le pouvoir.

Il avait récemment qualifié de «frauduleuses» les premières élections - législatives, régionales et présidentielle - multipartites depuis 1986 au Soudan qui ont reconduit au pouvoir le président Béchir avec 68% des voix.

Hassan al-Tourabi n'était pas candidat de sa formation -le Parti du Congrès populaire (PCP) - à la présidentielle, un rôle dévolu à Abdallah Deng Nial, un musulman originaire du Sud-Soudan, région en grande partie chrétienne.

Il a été arrêté le 15 mai dernier après la publication par le quotidien Ray al-Shaab, proche de son parti politique, d'articles remettant en cause la popularité du président Béchir et faisant état de la présence en banlieue de Khartoum d'une usine produisant des armes pour l'Iran.

«C'est peut-être pour ça (que j'ai été arrêté). Mais je ne suis pas le rédacteur en chef du journal, ni même le patron», confie-t-il alors que ses proches affluent chez lui pour saluer sa libération. «On ne m'a jamais dit les raisons de mon arrestation. En prison j'étais complètement isolé des autres détenus», poursuit-il.

Quatre journalistes du quotidien Ray al-Shaab (l'opinion du peuple, en français) sont accusés de terrorisme dans cette affaire. Ils sont toujours emprisonnés à la prison de Kober, où était aussi détenu Hassan al-Tourabi.

Des organisations de défense de droits de l'Homme ont condamné ces arrestations qui ont défrayé la chronique dans le plus grand pays d'Afrique. Plusieurs membres de l'opposition et des médias avaient demandé la semaine dernière leur libération lors d'un sit-in au quartier général du parti de M. Tourabi.

Sa libération intervient le soir même du 21e anniversaire de l'Inqaz (salut, en français), coup d'Etat militaire d'Omar el-Béchir le 30 juin 1989 dont Hassan al-Tourabi est considéré l'architecte.

A peine sorti de prison, le «cheikh Tourabi» tire encore à boulets rouges sur le président Omar el-Béchir, sous mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre et contre l'humanité au Darfour, région de l'ouest du Soudan en proie depuis sept ans à la guerre civile.

«La souffrance est devenu un mode de vie pour huit millions de personnes au Darfour», soutient M. Tourabi qui dit avoir peu d'espoir pour la paix dans cette région.

«Je suis pour l'unité du Soudan, mais il y a peu de chance pour maintenir l'unité» à l'issue du référendum d'indépendance du Sud-Soudan de janvier prochain, regrette-t-il.