Après les vols, les braquages à main armée de véhicules, les «bandits» du Darfour se sont lancés il y a quelques mois dans cette région de l'ouest du Soudan dans les rapts d'expatriés, un commerce en plein essor qui limite le travail des humanitaires sur le terrain.

Avant, ils «braquaient des convois transportant du pétrole de Khartoum au Darfour, mais maintenant ces convois circulent sous protection militaire», a noté cette semaine le ministre d'État soudanais des Affaires humanitaires Abdel Baqi Gilani. «Ils ont donc changé de stratégie et opté pour quelque chose de facile et simple: kidnapper des gens et demander une rançon», a-t-il ajouté.

Depuis le début du conflit en 2003, des «bandits» ont pénétré dans les bureaux d'ONG pour y voler du matériel et de l'argent, ou braqué des centaines de véhicules transportant de l'aide humanitaire ou des casques bleus, qui ont parfois été la cible directe d'attaques.

Mais aucun travailleur humanitaire étranger n'avait été kidnappé avant l'émission en mars du mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) contre le président soudanais Omar el-Béchir pour crimes de guerre et contre l'humanité au Darfour.

Le Soudan a expulsé 13 ONG internationales, accusées entre autres d'espionnage, en réponse à ce mandat d'arrêt et lancé un vaste projet de «nationalisation» de l'aide humanitaire au Darfour où 2,7 millions de personnes vivent dans des camps sous perfusion de l'aide alimentaire.

Une semaine après les expulsions, des membres de la section belge de Médecins sans frontières (MSF), dont un Français, ont été kidnappés dans un secteur du nord du Darfour contrôlé par des tribus arabes. Idem peu après pour deux membres de l'ONG française Aide Médicale Internationale (AMI), entraînant la suspension de ses opérations au Darfour. Tous ont été relâchés depuis.

Pour son soutien à la CPI, son accueil à Paris d'Abdelwahid Mohammed Nour, un important chef rebelle du Darfour, et sa présence militaire au Tchad voisin, la France ne semble pas dans les bonnes grâces de Khartoum, selon plusieurs analystes.

Certains considèrent d'ailleurs que la France était directement visée dans ces deux premières prises d'otage. Depuis, deux employés de l'ONG irlandaise Goal, des membres civils de la force de maintien de la paix ONU-Union africaine (Minuad) et un employé français de la Croix-Rouge ont été kidnappés.

«Ce sont les tribus arabes qui ont commis les enlèvements au Darfour», souligne sous le couvert de l'anonymat une source au sein de la mission de paix, avant l'annonce vendredi de l'enlèvement, dans cette même région, de deux Soudanais travaillant pour la Fondation Kadhafi dirigée par le fils du numéro un libyen Mouammar Kadhafi.

«Il se passe des choses au sein des (tribus) arabes parce qu'elles sont en colère contre le gouvernement. Mais est-ce que cela se traduit par des enlèvements?», souligne pour sa part Fouad Hikmat, analyste à l'International Crisis Group.

Trois théories circulent sur la vague d'enlèvements: les ravisseurs sont des entrepreneurs en quête de rançon, ils ont combattu auprès de l'armée soudanaise au début du conflit mais se sentent aujourd'hui abandonnés, ou ils tentent de purger le Darfour des étrangers pour favoriser la «nationalisation» de l'aide humanitaire.

Peu importe la thèse, le résultat est le même: les prises d'otages ont modifié la façon de travailler des ONG, qui ont réduit leurs déplacements dans les zones reculées et le temps passé de leurs expatriés sur le terrain.