L'opposition dénonce un «coup d'État au ralenti»: avec le référendum controversé organisé mardi au Niger, le président Mamadou Tandja espère lever le dernier obstacle à son maintien au pouvoir.

Les électeurs sont appelés à se prononcer sur un projet de nouvelle Constitution, qui prolonge d'office de trois ans ses fonctions et supprime la limite des mandats présidentiels, tout en renforçant ses pouvoirs. Les résultats devraient être connus au plus tard jeudi.

Les responsables de l'opposition boycottent la consultation qu'ils considèrent illégale, comme les donateurs internationaux qui pourraient réduire l'aide à ce pays désertique, l'un des plus pauvres du monde malgré sa richesse en uranium.

Les forces de sécurité en tenue de camouflage sombre, avec des mitrailleuses montées sur des camions, bloquaient mardi les rues aux abords de l'hôtel de ville de Niamey où le président a voté. «C'est un grand jour aujourd'hui», a-t-il déclaré à la presse. «Notre objectif est atteint. Nous avons répondu à l'appel du peuple.»

Au pouvoir de ce pays désertique depuis 1999, Mamadou Tandja, 71 ans, a remporté à deux présidentielles jugées libres et démocratiques et avait promis de démissionner au terme de son deuxième mandat, le 22 décembre. Mais à l'approche de l'échéance, le président nigérien a changé d'avis et décidé de modifier plutôt la Constitution, qui limite à deux le nombre des mandats présidentiels et interdit explicitement toute révision de cette limitation.

Au cours des derniers mois, le président a méthodiquement balayé les obstacles en travers de sa route. En mai, il a dissous le Parlement qui s'opposait à son projet. En juin, il a invoqué des pouvoirs exceptionnels pour gouverner par décret, dans la longue tradition des dictateurs africains. Quelques jours plus tard, la Cour constitutionnelle était dissoute à son tour après avoir décrété l'illégalité du référendum.

La nouvelle constitution élaborée par la commission de cinq membres nommée par le président renforce les pouvoirs du chef de l'État, qui pourra notamment désigner un tiers des 60 membres du nouveau Sénat et nommer un responsable des médias susceptible d'incarcérer les représentants de la presse considérés comme une menace.

«Il a prêté serment en jurant sur le Coran de protéger nos institutions démocratiques», dénonce le chef de l'opposition Mahamadou Issoufou. «Mais au lieu de cela, il les détruit.»

Dans un pays où 70% des adultes sont illettrés, selon les statistiques des Nations unies, certains électeurs n'avaient toutefois aucune idée des enjeux de ce scrutin. Le Niger est l'un des derniers pays de l'indice de développement humain de l'ONU, dont il occupe le 173e rang sur 177. Et il possède l'un des taux de natalité les plus élevés.

Alors que l'aide internationale contribue à plus de la moitié du budget de l'État, le commissaire européen au Développement Louis Michel s'est dit en juin dernier «très inquiet» de l'évolution politique dans le pays. L'UE a déjà suspendu une aide de 6,5 millions d'euros et pourrait revoir l'enveloppe de 450 millions promise d'ici 2013.

Mais l'influence des bailleurs internationaux est entamée par plusieurs grands projets, qui ont renforcé le président. Parmi eux, un contrat de 3,5 milliards d'euros avec la Chine pour construire une raffinerie pétrolière et développer de nouveaux forages dans le désert. Mais aussi un projet de 1,2 milliard d'euros avec le géant nucléaire français Areva pour la construction de la deuxième plus grande mine d'uranium du monde, et un barrage hydroélectrique financé par 35 millions d'euros de la Banque islamique de développement.

«Le peuple voit l'avenir et il demande que son président continue de servir pour pouvoir continuer ce travail», a expliqué Mamadou Tandja vendredi dernier dans un entretien à l'Associated Press. Mais ses détracteurs le soupçonnent de vouloir simplement rester en place pour que sa famille et son clan profitent de cette manne.

Si le «oui» l'emporte au référendum, l'instabilité risque d'en être accrue dans ce pays où la rébellion du Nord, qui défend un partage équitable des richesses minières, ne s'est calmée cette année qu'à cause de son éclatement en trois factions rivales. L'une d'elles a promis des violences si le vote de mardi était maintenu. Dans la même région, les groupes islamistes affiliés à Al-Qaeda ont enlevé plusieurs ressortissants étrangers