Rose Kabuye, une proche du président rwandais inculpée par la justice française, a assuré vendredi avoir été «très surprise» de son arrestation en Allemagne, rejetant ainsi toute idée de manoeuvre de Kigali pour avoir accès au dossier des mandats d'arrêt émis par la France.

De son côté, le chef de la diplomatie française Bernard Kouchner a estimé que les relations entre Paris et Kigali pourraient sortir renforcées de ce dernier développement dans une affaire qui a entraîné la rupture, par Kigali, des liens diplomatiques entre les deux pays.

Lors d'une conférence de presse à Paris, la chef du protocole rwandais a dit avoir été «très surprise d'être arrêtée» le 9 novembre à l'aéroport de Francfort alors qu'elle venait préparer une visite du président Paul Kagame, munie d'un passeport diplomatique et d'une lettre de mission de son gouvernement.

«Personne ne voudrait quitter son pays et sa famille pour être arrêté. Donc je ne suis absolument pas venue (en Allemagne, ndlr) pour être arrêtée», a-t-elle déclaré.

Selon le ministère allemand des Affaires étrangères, elle avait été prévenue qu'elle risquait d'être interpellée si elle posait le pied en Allemagne.

Rose Kabuye était visée par l'un des neuf mandats émis en novembre 2006 par le juge anti-terroriste français Jean-Louis Bruguière contre des proches du président Paul Kagame, soupçonnés d'avoir pris part à l'attentat contre l'avion du président Juvénal Habyarimana le 6 avril 1994.

Cet attentat est considéré comme le signal déclencheur du génocide qui a fait, selon l'ONU, 800.000 morts essentiellement parmi la minorité tutsie.

Mme Kabuye est soupçonnée d'avoir encadré à Kigali le commando qui devait abattre, selon les juges français, l'avion.

Si elle a acceptée d'être si rapidement transférée en France, c'est pour, dit-elle, «prouver (son) innocence» et parce qu'elle avait conscience que ce mandat d'arrêt constituerait une épée de Damoclès «au-dessus de sa tête jusqu'à (sa) mort».

Transférée en France mercredi, elle a été inculpée pour complicité d'assassinats et association de malfaiteurs, le tout en relation avec une entreprise terroriste et laissée libre sous contrôle judiciaire.

Les avocats de Rose Kabuye ont fait valoir qu'avec cette arrestation, ils pourraient désormais contre-attaquer, en convoquant notamment des auditions. De son côté, le président Kagame avait déclaré lundi vouloir, avec le procès qui s'annonce, que «l'abcès soit crevé».

Plusieurs sources proches du dossier se sont étonnées des circonstances de cette arrestation en Allemagne, alors que les juges s'apprêtaient à clore leur enquête sur l'attentat.

Des parties civiles se sont quant à elles dites surprises par la remise en liberté de Rose Kabuye sous contrôle judiciaire.

Pour Philippe Meilhac, avocat de la veuve du président Habyarimana, elle-même visée par une enquête française pour complicité de génocide, «on cherche à saboter cette instruction dans le but de ne pas trop aggraver les relations diplomatiques» entre la France et le Rwanda.

Interrogée sur ce point, Mme Kabuye avait avancé jeudi qu'il n'y avait «pas eu la moindre négociation» et qu'il s'agissait d'une «décision de justice».

A Addis Abeba, M. Kouchner, interrogé sur une possible aggravation des relations entre Paris et Kigali, a répondu: «J'espère que non et je crois le contraire».

«Le plus important, (c'est) le rétablissement de relations normales avec le Rwanda et que le lourd malentendu, très lourd, soit levé», a-t-il déclaré.

Le gouvernement rwandais a demandé que «Mme Kabuye soit jugée sans tarder» mais ses avocats ont laissé entendre vendredi qu'ils comptaient déposer dans les semaines à venir plusieurs demandes d'actes d'enquête au juge d'instruction pour prouver l'innocence de leur cliente.